Théâtre Silvia Monfort (Paris)
La Vie parisienne
Le French Cancan au pensionnat
- Publié par
- 19 avril 2005
- Critiques
- Opéra & Classique
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Etrange dépaysement : la gare Saint Lazare, où débarquent les joyeux fêtards de La Vie parisienne de Jacques Offenbach, s’est transformée en chambrée de pucelles d’un pensionnat. Chemises de nuit flottantes et bonnets de dentelles, assaut d’une bande de garçons dans le même apparat, bataille de polochons et valse de casquettes sur cheveux ébouriffés... Une entrée en matière chahutée qui ne se justifie que par une économie forcée : le décor d’une gare coûtant sans doute plus cher qu’un alignement de quelques lits en fer et un trousseau de chemises en drap blanc s’avère meilleur marché qu’une série d’uniformes de gala et de robes en grand tralala. Un rêve d’enfants, explique dans le programme, le metteur en scène Olivier Desbordes. Mais le transfert est si radical que le spectateur novice, qui ne connaît pas l’histoire, n’y comprend rien. D’autant que la suite n’a plus rien à voir avec ce début de potaches en folie.
Chassés-croisés loufoques
On se retrouve en effet à peu près dans la ligne du livret de Meilhac et Halevy : on est chez Gardefeu, qui se fait passer pour un guide et qui a embarqué chez lui le baron et la baronne de Gondremarck en leur faisant croire que son logis est une annexe du Grand Hôtel... Chassés-croisés loufoques, entre les rivaux Bobinet et Gardefeu, la grisette Métella, une gantière coquine, un Brésilien monté sur ressorts, la baronne aguicheuse et son suédois de baron décidé à s’en « fourrer jusque-là ». Soit un brassage de situations déjantées sur une musique endiablée capable de faire danser une armée de paralytiques. Olivier Desbordes, qui dirige depuis presque vingt ans la compagnie de théâtre musical Opéra Eclaté, a opté pour une version de chambre, distribution a minima et orchestre réduit et une vision qui se réclame du surréalisme. Sa troupe, une structure de décentralisation lyrique qui promène ses productions depuis le Festival de Saint-Céré à travers toute la France et même à l’étranger, a l’habitude des transpositions pour petits effectifs et les a souvent servis en imagination et talent.
Des clichés de salle de garde
Pour les débordements de La Vie parisienne, sa fantaisie a dérapé vers les clichés de salle de garde : les costumes volontairement de bric et de broc, à base de chiffons et de boutons, ustensiles de cuisine détournés, passoires, bouilloires et autres entonnoirs ont le défaut d’être plus laids que drôles, tout comme les bouts de décors aux couleurs criardes. La troupe joue la charge sans nuances, pantins désarticulés, caricatures au grotesque hélas dépourvu d’humour poétique.
Voix inégales dont on retient la gantière charmeuse d’Agnès Bove, la Metella langoureuse de Brigitte Antonelli et surtout la performance de Pierrot ahuri de Christophe Lacassagne en baron clown, baryton aux rondeurs ailées. Dominique Trottein, ce soir-là, semblait diriger sans conviction le petit ensemble de neuf instrumentistes placés, à défaut de fosse, à vue, à hauteur de la salle où ils avaient l’air de s’ennuyer ferme. Il paraît que d’autres soirs on les voit prendre du plaisir.
La Vie parisienne de Jacques Offenbach, livret de Meilhac et Halevy, orchestration Thibaut Perrine, chœur et orchestre Opéra Eclaté Midi Pyrénées, direction Dominique Trottein, mise en scène Olivier Desbordes, avec Christophe Lacassagne, Agnès Bove, Brigitte Antonelli, Jean-Claude Sarragosse, Eric Vignau, Jean-Pierre Chevalier, Adrian Arcaro, Dalila Khatir... Théâtre Silvia Monfort, du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h - relâche le 1er mai . Jusqu’au 29 mai. Tél. : 01 56 08 33 88.
Photo : Gibus