La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! de Philippe Car

La vie glorieuse d’un homme fragile

La Fabuleuse Histoire d'Edmond Rostand ! de Philippe Car

Edmond Rostand fait partie de ces poètes adulés que les élites entourent volontiers d’un certain dédain. Au sein de sa postérité, sa gloire rebondit aujourd’hui. On connaît le succès de la pièce d’Alexis Michalik, Edmond, qui conte la création de Cyrano de Bergerac. Parallèlement, Philippe Car a écrit, monte et joue La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! , que nous avons pu voir au festival de Villeneuve-en-scène (près d’Avignon) cet été et qui, depuis Marseille, commence une tournée à travers la France. Cette Fabuleuse Histoire est un spectacle qui porte le cachet de l’Agence de voyages imaginaires. Pour ceux qui connaissent cette troupe marseillaise, c’est une référence : il y a dans cette équipe un sens du théâtre originel et éternel, c’est-à-dire du risque joyeux du saltimbanque dans la pureté et la clarté du geste.
Sur la scène, un seul acteur et un fronton de théâtre moulé et doré, avec son rideau rouge, planté au milieu de ce plateau rectangulaire. Philippe Car, qui interprète son propre texte en solo (ou presque, on va comprendre pourquoi), joue avec le vide et le plein. Tel un gymnaste couleur de nuit il apparaît comme le frère de tous les saltimbanques du monde, sans autres atouts que sa parole, ses silences, ses mimiques et la souplesse de ses mouvements. Il attrapera quelques objets et de rares accessoires. De très courts films s’imprimeront sur le rideau. Mais la multitude des éléments n’interviendra qu’avec discrétion. L’exercice auquel se livre Philippe Car est funambulesque : il repose sur le fil de son active solitude. `
Derrière l’évocation chronologique se devine une recherche historique et iconographique énorme, qui étaie la biographie d’Edmond Rostand. Car Rostand nous est conté dans la progression de sa vie, étape après étape, à travers des épisodes qui ne sont pas tous connus. Le poète naît dans la bonne bourgeoisie marseillaise pour s’en échapper et poursuivre ses chimères. Cyrano de Bergerac arrive après quelques insuccès. C’est un triomphe auquel il ne croyait pas. La route des succès théâtraux et d’une vie amoureuse accomplie s’ouvre. Rostand monte haut dans le ciel de Paris et se replie dans sa maison de Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques) pour écrire. L’Aiglon et Chantecler font grand bruit, deux enfants viennent au monde, qui seront des Rostand également célèbres. Mais cet homme fragile meurt à 50 ans, juste après la fin de la guerre de 1914-18…
Cette biographie théâtrale est dans l’enchantement. Elle est riche d’émotion et de mélancolie, mais elle n’est jamais critique. Philippe Car célèbre Rostand comme Rostand saluait Cyrano, avec plus de vérité mais dans un enthousiasme aux frontières de la légende. En réalité, l’acteur-auteur Car n’est pas seul sur le plateau. Un musicien, Nicolas Paradis, l’accompagne tantôt à distance, tantôt en franchissant le carré magique de la scène. Parfois, on sent la présence d’un technicien, d’un partenaire invisible. C’est l’une des choses que l’on aime ici : le choix du minimal qui donne aux mots, aux gestes, aux couleurs, à tout ce qui intervient en éclairs la force extraordinaire du détail. Car est un acteur-conteur passionnant mais, surtout, il fait du pauvre, du minuscule, de l’élémentaire un langage d’une folle abondance. C’est un baladin de haute lignée, nullement folklorique comme ces sympathiques paillasses approximatifs qu’on voit souvent, mais un artiste profond, d’une douce rigueur, comme venu de ces tableaux où cirque et théâtre sont dans leur plus belle vérité imaginée.

La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! de Philippe Car, avec Philippe Car, accompagné en musique par Nicolas Paradis et en coulisses par Fabrice Rougier (régie plateau).
Mise en scène : Philippe Car, Yves Fravega et toute l’équipe de création
Composition musicale : Vincent Trouble
Ambiances sonores : Pascale Stevens
Création du son : Christophe Cartier
Scénographie et lumière : Julo Etievant
Assistanat création lumière : Brendan Royer
Accessoires : Bruno Montlahuc et Yann Norry
Costumes : Christian Burle
Assistanat mise en scène : Laurence Bournet, Laura Sceaux, Soizic de la Chapelle
Régie lumière : Jean-Yves Pillone (en alternance avec Brendan Royer)
Régie son : Christophe Cartier (en alternance avec Vincent Trouble)

Agence de voyages imaginaires Compagnie Philippe Car
Le Pôle Nord – 117, Traverse Bovis – L’Estaque
13016 Marseille tél : +33 (0)4 91 51 23 37
La tournée :
Théâtre Maurice Novarina / Thonon-les-Bains
vendredi 8 novembre
DSN Dieppe Scène Nationale / Dieppe
jeudi 9 janvier
Espace Diamant / Ajaccio
Samedi 1 février
La Renaissance / Mondeville
Jeudi 9 avril
Théâtre de l’Archipel / Perpignan
Mardi 26 et mercredi 27 mai.
(Durée : 1 h 25).

Photo DR.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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4 Messages

  • La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! de Philippe Car 6 septembre 2019 17:43, par Philippe Car & Annaëlle Hodet

    Cher Gilles,
    Ne parvenant pas à vous remercier pas mail (les mails nous reviennent !) Philippe et moi, nous nous aventurons à écrire quelques mots ici :

    Cela valait la peine d’attendre, l’article est très beau.
    L’atmosphère et l’esprit du spectacle y sont palpables, merci pour la finesse et le choix des mots.
    C’est une belle reconnaissance du travail de Philippe et de l’équipe, ils en sont très touchés.
    Au plaisir de croiser votre route à l’occasion d’autres aventures artistiques, nous vous tiendrons informé de nos avancées sur notre prochaine création autour des Fables de la Fontaine,

    Amicalement,

    Annaëlle Hodet

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  • La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! de Philippe Car 6 septembre 2019 17:44, par Philippe Car & Annaëlle Hodet

    Il faut être poète pour être critique, sinon comment parler de poésie ?
    Pour évoquer le funambulesque, il faut savoir danser dans les mots sur la pointe de sa plume...
    C’est très beau de vous lire, Gilles...
    Si je ne jouais ce spectacle, je courrai le voir !
    Un immense merci d’être venu et d’avoir écrit.
    J’adorerai jouer ce spectacle à Paris, pour l’instant je n’ai aucune réponse, votre article va, je l’espère, en déclencher !

    À bientôt.
    Bien à vous

    Philippe C.

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  • La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! de Philippe Car 6 septembre 2019 17:46, par Philippe Car & Annaëlle Hodet

    Il faut être poète pour être critique, sinon comment parler de poésie ?
    Pour évoquer le funambulesque, il faut savoir danser dans les mots sur la pointe de sa plume...
    C’est très beau de vous lire, Gilles...
    Si je ne jouais ce spectacle, je courrai le voir !
    Un immense merci d’être venu et d’avoir écrit.
    J’adorerai jouer ce spectacle à Paris, pour l’instant je n’ai aucune réponse, votre article va, je l’espère, en déclencher !

    À bientôt.
    Bien à vous,

    Philippe C.

    Répondre au message

  • La Fabuleuse Histoire d’Edmond Rostand ! de Philippe Car 19 septembre 2019 08:56, par Pégat Jacques

    L’article de Gilles Costaz rend très bien compte (conte) de l’ambiance et du projet de ce spectacle que nous avons vu avec des amis à Villeneuve pendant le festival de théâtre d’Avignon. Spectacle funambulesque comme il est écrit, reçu, perçu tels des fragrances. Alors que la nuit installe ses pâles projecteurs, le comédien schizophrène déballe de sa malle imaginaires de nombreux personnages.

    Mais le vrai héros reste le théâtre et son incandescence le spectacle, ce moment clé où l’artiste est nu devant le public. Nullement comme l’écrit Gilles Costaz de paillasses approximatives, non d’un comédien habité. Et c’est bien de l’âme qu’il est en réalité question, cette âme si chère au poète François Cheng dont ce siècle semble s’être débarrassé et dont seuls quelques funambules, quelques cracheurs de mots en sont pourvus et L’Agence de Voyage Imaginaire dans son intégralité.

    Merci aux artistes.

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