Paris – Théâtre de l’Athénée jusqu’au 23 octobre et en tournée
L’Egisto de Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi
A découvrir, à déguster des yeux et des oreilles
- Publié par
- 21 octobre 2011
- Critiques
- Opéra & Classique
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Un bien curieux opéra, vieux de près 350 ans, il fut le premier d’une espèce qui allait fleurir et s’épanouir sur toutes les scènes de France et d’Italie : l’opéra bouffe. Ses nombreux émules finirent par jeter dans l’oubli sa partition, son livret et ses auteurs. Ils viennent de remonter à la lumière des projecteurs grâce à Jérôme Correas, ses Paladins et leur amour pour les musiques de ce temps-là, ce 17ème siècle italo-français.
Une méprise historique
C’est un Egisto qui revient faire entendre ses arias et avec lui se lève une méprise historique. On attribuait en effet au célèbre Cavalli (1602-1676) la découverte en France d’un genre musical purement italien. Il était noté que son Egisto fut créé en 1648 au Louvre. Or, très récemment, en 2008, les recherches de la musicologue Barbara Nestola aboutirent à un démenti de cette affirmation et à la conclusion que L’Egisto en question était l’œuvre de deux autres compositeurs, Marco Marazzoli (1602-1662) et Virgilio Mazzocchi (1597-1648). Des contemporains en somme, célèbres en leur temps mais qui ne connurent guère de postérité. Mazzocchi était le plus connu. Son frère aîné Domenico était comme lui, compositeur et entré dans les ordres. Virgilio passait pour l’un des pionniers du style polyphonique, et, l’inventeur de ce qui deviendra la comédie musicale. En d’autres mots : l’opéra bouffe, le mélange du parler et du chanter, du sacré et du populaire, incarné alors par les histrions de la commedia dell’arte.
L’Egisto de 1648 était bien le leur, composé sur le livret de Giulio Rospigliosi, futur pape Clément IX, d’abord titré Chi soffre speri – Si tu souffres, espère – avant de prendre le patronyme de son personnage principal.
Des idées et du souffle
Comédie rurale avec intermèdes et ballets, L’Egisto, inspiré du Décaméron de Boccace, raconte, avec moult tours et détours et une kyrielle de personnages, les aventures d’un aristo sans le sou amoureux d’une riche veuve. Un enfant malade, un faucon sacrifié, une suivante déguisée, une fête foraine, les scènes se suivent comme des sketches. Il y a du pastiche dans la musique, des clins d’yeux à l’aîné, père du genre opéra Claudio Monteverdi (1567-1643). Il y a des idées et du souffle et des longueurs : l’original dure plus de cinq heures, mais à l’époque, les spectateurs ne restaient pas vissés dans leurs fauteuils, ils se promenaient, allaient boire un coup ou grignoter une friandise.
En farce et grands sentiments
Jérôme Correas concentre la joyeuse mascarade à trois heures et dix minutes, entracte compris et cela reste un peu longuet pour le public d’aujourd’hui autorisé à ne bouger qu’une seule fois. Mais le plaisir reste au rendez-vous. Sous sa direction enthousiaste, au clavecin, à l’orgue, aux cornets et aux flûtes, au violone et aux violons, les solistes de l’ensemble les Paladins, sur leurs instruments à l’ancienne, font danser et virevolter cette musique de farce et de grands sentiments. Onze jeunes chanteurs se dédoublent en une vingtaine de personnages, à l’exception du rôle titre défendu par le timbre clair de la soprano Muriel Ferraro, pour l’occasion barbichue et moustachue. Les voix sont fraîches, parfois un rien immatures pour les envolées dans l’aigu. Le travail sur la langue italienne est remarquable tout comme celui sur la gestique d’époque. Jean-Denis Monory, fin spécialiste du répertoire baroque, les a formés avec méticulosité et entrain. Les costumes ont des relents de théâtre des rues, les masques donnent le ton de la commedia, les danseurs chorégraphiés dans l’esprit du temps complètent l’ensemble dans des intermèdes à la fois savoureux et gracieux. Créé au Festival Baroque de Pontoise, à l’Apostrophe-Théâtre des Louvrais, cet Egisto est à découvrir et déguster au théâtre de l’Athénée avant un départ en tournée début 2012
L’Egisto opéra en un prologue et trois actes de Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi, livret de Giulio Rospigliosi. En semble Les Paladins, direction Jérôme Correas, mise en scène Jean-Denis Monory, chorégraphie Françoise Deniau, scénographie et décors Adeline Caron, costumes Chantal Rousseau, lumières Olivier Oudiou, masques Julie Coffinières. Avec Muriel Ferraro, Charlotte Plasse, Anoushka Lara, Dagmar Saskova, Blandine Folio Peres, Christine Tocci, Lucile Richardot, Matthieu Chapuis, David Wiczak, Marc Valéro, Jan Jeroen Bredewold et les danseurs Caroline Ducrest, Karin Modigh, Sébastien Montagne, Gilles Poirier.
Paris – Théâtre de l’Athénée les 19, 21, 22 octobre à 20h le 23 à 16h.
01 53 05 19 19
En tournée :
4 février 2012 - Opéra de Massy 01 60 13 13 13
10 février 2012 - Théâtre Roger Barat d’Herblay 01 39 97 40 30
16 février 2012 - Théâtre de Poissy 01 39 22 55 92
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