Istiqlal de Tamara Al Saadi

Confrontation de générations

Istiqlal de Tamara Al Saadi

Le fil conducteur cette histoire est la rencontre amoureuse entre Leila, immigrée originaire d’Irak et Julien, reporter photographe international. Issus de deux cultures forcément très différentes, ils ont des visions du monde parfois incompatibles. Au-delà de l’évolution de ce couple, se dessine une évocation de personnages face à leur identité au sein des changements d’une époque.

Complexité scénique et textuelle

Tamara Al Saadi, autrice et metteuse en scène, a choisi de traduire l’existence de ses deux figures attirées l’une par l’autre à travers un ensemble complexe de composants. Elle mêle les lieux, elle traverse les époques, elle entremêle la réalité d’une famille où se côtoient morts et vivants aux âges et mentalités composites, elle concrétise l’aspect fantasmatique d’un imaginaire individuel. Cela l’amène à donner une riche perception de la vie actuelle de ceux qui doivent choisir comment s’adapter et se réaliser dans un monde passablement chaotique.

Si le spectateur ne perçoit pas d’emblée tous les signes, parfois plutôt ténus, qui lui sont proposés pour démêler l’écheveau que constitue la structure de cette pièce aux séquences multiples, il risque d’être un peu perdu. Il lui faut comprendre que les femmes en costume traditionnel sont celles qui peuplent la vie de Leila au présent comme au passé. Il lui faut admettre que l’amie en habit jaune de celle-ci, avec qui elle vit au quotidien, est son double imaginaire de la personne qu’elle voudrait être, voire de l’enfant qu’elle rêve d’avoir.

Profondeurs thématiques

Outre la confrontation entre modernité et tradition, entre culture occidentale et culture arabe, un des thèmes essentiels est celui du langage. Pour Leila immigrée ignorant sa langue maternelle au profit du français, « les gens sont composés de mots et que les mots sont des histoires  », celles qu’on raconte aux autres autant que celles qu’on se raconte à soi-même. « Chaque langue rend réel à sa manière. Les mots font les images. »

Pour Julien reporter, le langage est celui des images. Elles « font l’histoire. C’est les souvenirs du monde. » Ce sont «  les témoins les plus directs […] Une photo abolit le ‘on ne savait pas’  ». D’où sa responsabilité du choix de ses clichés.

La symbolique de leur couple étant que, au moment des guerres, les autochtones qui les subissent n’ont pas vraiment d’autre choix que de rester sinon c’est l’exil avec perte d’identité tandis que les étrangers venus comme témoins ont la possibilité permanente de demeurer ou de repartir à n’importe quel moment vers chez eux.

Entre ces deux moyens de communiquer qui imbibent toute la pièce, une thématique assez large s’empare de constantes dans la réalité vécue : réticences à donner du savoir aux femmes, refus d’accepter les conséquences d’un viol, carcan des traditions, difficulté de parler de son vécu profond et par conséquent poids du silence entre les êtres même les plus proches.


Durée : 1h45
21>23.11.2023 Théâtre du Nord Lille
En tournée :
4 -5.04.2024 Théâtre Sartrouville
18 avril 2024 Equilibre/Nuithonie Fribourg (Ch)
28 mai 2024 Palais des Arts Vannes
Texte, mise en scène : Tamara Al Saadi
Interprétation : Yohann-Hicham Boutahar ou Ryan Larras, David Houri, Lula Hugot ou Estelle Meyer,Yasmine Nadifi ou Kristina Chaumont, Mayya Sanbar, Tatiana Spivakova, Françoise Thuriès, Ismaël Tifouche Nieto, Marie Tirmont
Collaboration artistique : Justine Bachelet, Kristina Chaumont
Assistanat à la mise en scène : Joséphine Levy
Chorégraphe : Sonia Al Khadir
Scénographe : Salma Bordes
Création lumière : Jennifer Montesantos
Création sonore : Fabio Meschini
Costumes : Pétronille Salomé
Vidéo : Olivier Bémer
Décor : Les Ateliers du Préau
Régie générale : Jennifer Montesantos, Elsa Sanchez
Administration de production : Elsa Brès
Diffusion : Séverine André Liebaut
Production, relations publiques : Coline Bec
Production : Compagnie LA BASE.
Coproduction : Théâtre des Quartiers (Ivry) ; Groupe des 20 Théâtres en Ile-de France- Lauréat 2020 ; Liberté (Châteauvallon) ; Espace 1789 (Saint-Ouen) ; Théâtre (Rungis) ; Théâtre du Nord (Lille) ; Théâtre (Dijon) ; Les Bords de Scènes (Grand-Orly Seine Bièvre) ; Le Préau (Vire) ; Théâtre de l’Olivier Scènes et Cinés ; EMC (St Michel-sur-Orge)
Photo © Christophe Raynaud de Lage

Lire  : Tamara Al Saadi, « Istiqlal », Bagnolet, Koïné, 2022, 96 p. (12€)

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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