Elles, d’après Molière, Marivaux, etc.

Les femmes du théâtre classique

Elles, d'après Molière, Marivaux, etc.

Le Studio-Théâtre de Stains, qui a créé dans sa ville le spectacle Elles et a franchi le périphérique pour le présenter à Paris, est exemplaire. Faisons un vœu pieux : que les pouvoirs publics l’aident toujours plus et qu’on le donne comme modèle à tant de structures privilégiées et peu enclines à l’action sur le terrain. Ce théâtre implanté en plein " 9-3", dans un ancien cinéma, a la passion de ses murs rouge sang. Dans ce valeureux esquif piloté par Marjorie Nakache, on se bat pour y faire connaître la diversité du théâtre auprès d’une population défavorisée, mélangée, sans argent et sans culture classique. Avec une convivialité et une efficacité exceptionnelles.

Après bien des spectacles qui donnaient dans leur intégralité – quitte à transposer un peu, pour être plus proche du public et ne pas se priver du plaisir du clin d’œil – des pièces du répertoire classique et moderne, pourquoi Elles qui est un montage alternant des extraits d’œuvres du patrimoine européen ? Parce que, dans un but pédagogique et social, mais surtout dans une volonté d’allier le plaisir scénique et le partage de chefs-d’œuvre souvent méconnus d’un public novice, Marjorie Nakache a voulu proposer un court et dense voyage à travers le personnage féminin dans le théâtre classique. Derrière un écran blanc, deux actrices commencent une scène. Mais voilà une autre jeune femme qui veut tout expliquer. On ne la laisse pas faire. Tout se clarifie dans le jeu, l’action et la succession d’épisodes contrastés. Les actrices sortent de l’écran, ou y retournent. Le jeu est sur le plateau, sur les côtés, dans les textes de mise au point projetés sur la toile. Les quatre interprètes sont de blanc vêtues mais l’écran peut passer au rouge quand la fureur monte. C’est qu’elles ne sont jamais incolores les femmes, du répertoire ! La soubrette rusée de Marivaux, Lisette du Jeu de l’amour et du hasard , entre en parallèle avec l’Agnès étonnée de L’Ecole des femmes de Molière. L’Hermione brûlante de l’ Andromaque de Racine croise la Smeralda bondissante de la commedia dell’arte. Dans ce carrousel de féminités l’on s’y perd et l’on s’y trouve, en reconnaissant ou en ne reconnaissant pas aussi les femmes trompées mais pas désespérées de Gros Chagrins, croquées par Courteline, et même la pure Antigone d’Anouilh…

Jamila Aznague, Adèle Liners, Sonja Mazouz et Marjorie Nakache manifestent une belle habileté et de beaux tempéraments en passant d’un rôle à l’autre. C’est un tableau qui révèle en profondeur la nature des femmes telles qu’elles vivent éternellement chez les auteurs classiques. C’est également un hymne à la liberté en un temps où certains pouvoirs masculins et religieux voudraient remettre le « deuxième sexe » dans des cages.

Elles, d’après des textes de Molière, Marivaux, Racine, Gozzi, Musset, Courteline et Feydeau, montage et mise en scène de Marjorie Nakache, dramaturgie de Xavier Marceschi, costumes de Nadia Rémond, lumières d’Hervé Janlin, vidéo de Brahim Saaï, avec Jamila Aznague, Adèle Liners, Sonja Mazouz, Marjorie Nakache.
Théâtre de Ménilmontant, 19 h jeudi et vendredi, tél. : 01 46 36 98 60, jusqu’au 20 décembre. (Durée : 1 h 05).

Photo Benoîte Fanton

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook