Aubervilliers-théâtre de la Commune
Elle est là de Nathalie Sarraute
Le pouvoir d’une idée
Didier Bezac et Pierre Arditi avaient déjà coopéré, superbement pour une Ecole des femmes historique, au festival d’Avignon et au théâtre de la Commune. Les deux artistes se retrouvent autour de Nathalie Sarraute et son théâtre du subconscient, avec une pièce un peu moins comique que Pour un oui ou pour un non (son chef-d’œuvre) et un peu plus didactique.
Un cadre est exaspéré par sa collaboratrice. Celle-ci est la douceur et le sourire même, mais elle pense ! Du moins, derrière son silence et son sourire, elle semble avoir une idée dans la tête, qu’elle ne communique pas. Cela est intolérable pour le cadre qui voudrait franchir ce mur du secret. Lui-même est sûr de détenir la vérité. Comment accepter une autre pensée ! Il prend des conseils auprès d’un proche et fait des tentatives pour éradiquer ce concept informulé. Il croit y parvenir, mais il se trompe. C’est lui qui va être obligé de changer…
Sarraute parle de la vie cérébrale, mais aussi du machisme, du fascisme et incidemment de la torture. Didier Bezace a conçu un spectacle comme une lutte intestine dans un bureau en gris et en noir. Pierre Arditi tempère sa nature pour dessiner un graphique très subtil des humeurs et joue l’homme vaincu, comme déséquilibré. Evelyne Bouix n’a à être qu’une apparence, elle assume cette tâche ingrate avec esprit. Didier Bezace a choisi d’être dans l’ombre : il détaille ses répliques en évitant les projecteurs qui mettent en relief ses partenaires ! C’est un moment d’une grande intelligence, difficile néanmoins, où le plaisir intellectuel ne quitte pas une certaine austérité.
Elle est là de Nathalie Sarraute, mise en scène de Didier Bezace, décor de Jean Haas, avec Pierre Arditi, Didier Bezace, Evelyne Bouix, théâtre de la Commune, Aubervilliers, tél. : 01 48 33 13 13, jusqu’au 20 juin (durée : 1 h 15).
crédits photographiques/ Brigitte Enguérand