Opéra National de Paris

Don Giovanni – La Veuve Joyeuse

L’Opéra National de Paris à l’heure des reprises

Don Giovanni – La Veuve Joyeuse

A l’Opéra National de Paris les reprises d’anciennes productions créées sous les directions successives de Hugues Gall et de Gérard Mortier se suivent au rythme des valses de Franz Lehár. Après la Dame de Pique de Tchaïkovski par Lev Dodin, Rigoletto par Jérôme Savary, Pelléas et Mélisande par Robert Wilson, la Veuve Joyeuse par Jorge Lavelli se joint aux productions orchestrées par Hugues Gall entre 1995 et 2004.

Une Veuve qui a pris un petit coup de vieux

En 1997 le parti-pris de Lavelli de mettre au rancart les friandises exquises de l’opérette viennoise parut novateur en accord avec l’esprit du temps où l’on cherchait à donner du poids aux œuvres dites légères. Ce grand décor abstrait de palais ducal, ces rideaux géants, ces lumières en contre-jours, tout cela semble aujourd’hui avoir pris un petit coup de vieux. L’opérette revue par Laurent Pelly nous a, ces dernières années, habitué à une fantaisie à la fois plus débridée et plus souriante.

Le rythme initial a pris du plomb dans les enchaînements et il faut attendre le fameux cancan final – coup de chapeau à Offenbach – pour qu’un grain de folie vienne enfin donner à la scène la grâce et le tempo du diable de cette musique qui nous grisent avec tant de charme.

La fade direction d’Asher Fisch réduit l’orchestre à un jeu scolaire. On est loin de la pétulance du merveilleux Armin Jordan qui avait tenu la baguette à la création de cette production. Vocalement aussi une sacrée distance sépare le souvenir de la délicieuse Karita Mattila qui faisait de la Glawari une veuve aristo de choc. Absente durant les premières représentations Susan Graham fut remplacée notamment par la soprano suisse Noëmi Nadelmann, manifestement rodée au personnage dont elle connaît tous les airs et les allures de grande vamp de cabaret berlinois qu’elle attribue au rôle titre. Ana Maria Labin, Daniel Behle, François Piolino, Franz Mazura, Claudia Galli composent une distribution honnête et homogène. Harald Serafin ne chante pas beaucoup– il a dépassé les 80 étés de sa vie - mais il joue le Baron Mirko avec le pep désopilant d’un vaudevilliste.

Le plaisir de la soirée réside indubitablement dans la performance de Bo Skovhus, Danilo inoxydable virevoltant qui depuis quinze ans n’a pas pris une ridule. La voix toujours impeccable, la diction finement taillée, le corps flexible d’un vrai danseur. La classe ! Il est si parfaitement le séducteur d’opérette qu’on risque d’oublier qu’il fut aussi le bouleversant Billy Budd de Britten sur cette même scène de l’Opéra Bastille.

Un Don Giovanni toujours iconoclaste

L’héritage de Gérard Mortier qui occupa le fauteuil d’Hughes Gall de 2004 à 2009, est distillé plus parcimonieusement par l’actuel directeur Nicolas Joël. L’une de ses productions phare, le Don Giovanni de Mozart, revu – et corrigé – par le cinéaste allemand Michael Haneke reprendra pourtant, dès ce 15 mars, ses tribulations de golden boy cavaleur et sans scrupule dans le décor de verre et d’acier d’un gratte-ciel de bureaucratie moderne.

Le lancement de cette production iconoclaste en février 2006 mit le public du Palais Garnier en état de choc et le divisa aussi radicalement que s’il avait été découpé à la scie – de même pour une partie de la critique -. Un an plus tard son transfert dans les espaces de la nef Bastille s’inscrivait comme une prolongation naturelle de son architecture, où le dehors prenait la place du dedans. Les audaces taillées au scalpel de Haneke devenaient quasi naturelles, et son analyse chirurgicale des caractères prenaient des airs d’évidence.

On acceptait ce Don Giovanni ivre de volonté de puissance à la sexualité débridée prêt à sauter sur tout ce qui passe par son chemin. Y compris Leporello… Que Donna Anna soit la fille du patron, que celui-ci soit un vieillard handicapé sur chaise roulante, que Zerline et Masetto se transforment en techniciens de surface, que Donna Elvire, l’ex, l’emmerdeuse, remonte de sa province pour demander des comptes, que les masques sortent de Disneyland et qu’il n’y ait plus ni dieu ni diable…. Tout cela fonctionne comme un jeu mathématique. Car la musique est respectée, et les chanteurs embrasés par une formidable direction d’acteurs, de tout premier.

Pour cette reprise attendue on retrouvera Peter Mattei, considéré comme le meilleur Don Giovanni trouvable sur le marché, le baryton David Bizic aura la tâche périlleuse de remplacer Luca Pisaroni en Leporello. Côtés femmes les nouveautés sont prometteuses : Patricia Petitbon pour Donna Anna, Gaëlle Arquez en Zerline, et, nouvelle venue sur la scène de l »Opéra de Paris, la fine mozartienne Véronique Gens pour Elvira. Philippe Jordan – le fil d’Armin et actuel directeur musical de la maison, sera dans la fosse, ce qui est une fort bonne nouvelle.

La Veuve Joyeuse de Franz Lehár. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris direction Asher Fisch, mise en scène Jorge Lavelli, décors Antonio Lagarto, costumes Francesco Zito, lumières Dominique Bruguière, chorégraphie Laurence Fanon, chef de chœur P. M. Aubert. Avec Harald Serafin, Ana Maria Labin, Bo Skovhus, Susan Graham, Daniel Behle, François Piolino…

Palais Garnier les 29 février, 2, 5, 8, 11, 14, 16 (Bal de l’X), 19, 22, 26, 29 mars et 2 avril à 16h30

Photos Julien Benhamou

Don Giovanni de W. A. Mozart, livret de L. Da Ponte. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris. Direction Philippe Jordan, mise en scène Michael Haneke, décors Christoph Kanter, costumes Annette Beaufays, lumières André Diot, chef de chœur A Di Stefano. Avec Peter Mattei, David Bizic, Patricia Petitbon, Véronique Gens, Gaëlle Arquez, Bernard Richter (en alternance avec Samir Pirgu), Nahuel di Pierro.

Opéra Bastille, les 15, 18, 21, 23, 25 mars, .3, 8, 12, 14, 16, 19 & 21 avril à 19h30

Photos : Eric Mahoudeau

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 www.operadeparis.fr

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook