Paris - Opéra Comique - les 5, 7 & 8 mars à 19h, le 8 également à 21h30

Dido and Aeneas/Didon et Enée de Henry Purcell

Reprise exceptionnelle d’une heure d’exceptionnel enchantement

Dido and Aeneas/Didon et Enée de Henry Purcell

L’Opéra Comique reprend pour quelques représentations exceptionnelles, l’exceptionnel spectacle qui avait fait l’ouverture de sa saison 2008-2009. William Christie et ses Arts Florissants sont à nouveau au rendez-vous pour une heure de total enchantement. Dido and Aeneas/Didon et Enée, bijou de musique baroque que l’anglais Henry Purcell (1659-1695) composa pour un pensionnat de jeunes filles, comme Racine, qui en cette même année 1689, dédia sa tragédie Esther aux Demoiselles de Saint-Cyr.

C’était dans l’air du temps sans doute. Ainsi les amours malheureuses de la reine de Carthage avec Enée, le futur fondateur de Rome, puisées chez Virgile puis concentrées en quelque cinquante minutes de musique sur un livret du poète Nahum Tate, constituèrent le tout premier opus lyrique du royaume de Grande Bretagne. Il connut bien des déboires et disparut carrément après la mort à l’âge de 36 ans de son génial géniteur-compositeur. Trente ans plus tard il fut reconstitué sur la base de la représentation donnée dans le pensionnat de jeunes filles de Chelsea.

L’insolent mélange de tragédie et comédie

L’atout majeur de la version brillamment exécutée à l’Opéra Comique tient sans doute à la parfaite connivence née entre le chef William Christie et le metteur en scène Deborah Warner, une shakespearienne grand teint dont les escapades au royaume l’opéra furent chaque fois des réussites depuis Wozzeck à Fidelio en passant par Don Giovanni, Mort à Venise ou Le Tour d’Ecrou. Cette Didon, cet Enée, créé à Vienne en 2006 durant les « Wienerfestwochen » signa sa première incursion dans l’univers baroque. Sans réel dépaysement car elle y retrouvait les ingrédients qui composent la plupart des œuvres de Shakespeare, ce mélange insolent de comédie et de tragédie qui donne à ceux qui s’en emparent un magnifique don de liberté. En virtuose, Deborah Warner fait alterner les rires et l’émotion, la farce et la gravité. Avec une partition qui, elle aussi, laisse ouvertes toutes sortes de voies d’interprétation, Christie et ses Arts Florissants injectent à leur tour leurs doses de fantaisie.

Ebouriffant de beauté

Le résultat est ébouriffant de beauté. Après le prologue joué avec un punch irrésistible par Fiona Shaw, magnifique comédienne anglaise, une nuée de vingt-six gamines de 6 à 12 ans, s’ébrouent sur scène en habits de pensionnat, jupettes plissées marine et chemisettes blanches, chaussettes tirées sur les jeunes mollets dansants. Un chœur muet en quelque sorte mais qui bouge, danse, fait la roue et pousse les petits cris des cours de recréation. Il y a de vrais acrobates qui tournicotent sous les cintres et se hissent sur des cordes lisses. Derrière un tréteau central équipé d’une petite mare d’eau se profile un rideau de perles translucides laissant apparaître les murs d’un palais ou les branches feuillues de deux arbres. Le chœur, le vrai, est vêtu de noir dans des costumes d’aujourd’hui, les solistes en revanche portent d’admirables robes en dégradés pastel, l’esprit malin et ses sorcières ont des allures de chauves-souris, fument des clopes et se régalent de barbe à papa.

Malena Ernman star inconstable de la soirée

Hillary Summers, mezzo soprano anglaise, est la sorcière en chef, plutôt gros lutin farceur que vraie méchante, la Hollandaise Judith van Wanroij campe une Belinda maternelle. Seul changement de distribution mais toujours en blouson de cuir et hautes bottes, Nikolay Borchev remplace Christopher Maltman dans le rôle d’Enée. Star incontestable de la soirée, la suédoise Malena Ernman, capable de passer de Monteverdi, Mozart, Haendel à Philippe Boesmans (voir webthea du 16 mars 2005) reste une Didon qui vous arrache des larmes : belle, expressive, noble et parfaitement à l’aise dans les broderies et ornementations de Purcell.

Sonorités somptueuses dans la fosse, grâce, humour et émotion sur scène, cet Didon et Enée est pur bonheur. On en sorte euphorique. Dommage qu’il y ait si peu de représentations…

Dido and Aeneas/Didon et Enée de Henry Purcell, livret de Nahum Tate d’après l’Enéide de Virgile. Orchestre des Arts Florissants, direction William Christie (et Jonathan Cohen le 8 mars à 19h), mise en scène Deborah Warner, décors et costumes Chloé Obolensky, lumières Jean Kalman. Avec Malena Ernman ; Christopher Maltman, Judith van Wanroij, Hilary Summers, Lina Markeby, Céline Ricci, Ana Quintans, Marc Mauillon, Ben Davies et Fiona Shaw.

Opéra Comique, les 5, 7 mars à 19h, le 8 à 19h et à 21h30.

0825 01 01 23 – www.opera-comique.com

Date de première publication : 5 décembre 2008

Photos Elisabeth Carecchio

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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