D’amour et d’Espagne
« Romancero », enregistré avec le guitariste Guillaume Bleton, permet à Éléonore Gagey de faire chanter avec feu le transport amoureux.
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- 2 juin 2024
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NOUS AVIONS GOÛTÉ LA BELLE VOIX et le tempérament d’Éléonore Gagey dans l’Orfeo de Rossi représenté il y a quelques mois à l’Athénée. Revoici cette jeune interprète, cette fois dans un répertoire fort différent, à la faveur d’un disque où elle chante en compagnie de la seule guitare de Guillaume Bleton. Romancero raconte en effet, par le jeu d’une mosaïque juxtaposant vingt-six pièces à la fois intimes et ardentes, une histoire amoureuse qui fait se succéder, après La mi sola, Laureola d’Obradors en guise de prologue, la passion, la trahison, le réconfort, la perte, le tout s’achevant dans la résignation désolée de Damunt de tu nomes de Mompou. Vingt-six pièces composées par des musiciens espagnols (on y croise aussi le compositeur cubain Leo Brouwer et même Saint-Saëns, à la faveur d’un Desdichado chanté en duo avec Anne-Sophie Petit) qui exaltent ou plutôt explorent le sentiment amoureux.
Les deux interprètes ont choisi en effet de faire voler en éclats les cycles de mélodies pour les recomposer selon une continuité dramatique et sensible. Si certaines de ces pages sont des bijoux mélodiques (Cuando sobre el pecho inclinas d’Albéniz, ou encore la Canción de cuna para dormir a un negrito de Montsalvage, berceuse aux harmonies fort troublantes), toutes permettent au timbre riche et sombre d’Éléonore Gagey d’exprimer tout ce qui vibre, s’exprime et se cache dans les plis de l’émotion amoureuse. Adela de Rodrigo, El vito d’Obradors et Me ha herido recatándose en las sombras d’Albéniz, au milieu du programme, composeraient presque un triptyque idéal, de la mélancolie à la fougue et à la douleur, Chiquita la novia d’Obradors permettant à la chanteuse de donner un éventail complet de son art, des « ah » introductifs que suivent une espèce de portique déclamé puis une déploration sur d’éloquents tremblements de guitare.
Guillaume Bleton se réserve quelques pages pour guitare seule, à titre de respiration (on apprécie en particulier Montemayor de Moreno Torroba et Endecha de Tarrega, interprétés avec un très beau son), mais signe aussi plusieurs arrangements, deux pages de Falla étant arrangées, elles (Polo et Asturiana), par Miguel Llobet. Un partenaire éclairé dans les chaudes nuits amoureuses que nous fait parcourir Éléonore Gagey.
Romancero. Éléonore Gagey, mezzo-soprano ; Guillaume Bleton, guitare. 1 CD Paraty 1 923 146.