Théâtre Antoine (Paris)

Conversation après un enterrement

Conversation après un enterrement

Ils sont là pour enterrer le père : la sœur, les deux frères, l’ami de toujours et sa volubile épouse. Il y a aussi Lisa, qui fut la maîtresse d’Alex le cadet, mais qui aspire à devenir celle de Nathan, l’aîné. Sa présence n’est certes pas très appréciée, mais en ce jour de deuil, il est de bon ton d’éviter les éclats. D’autant que le défunt, par son absence même, inspire aux uns et aux autres un mélange de nostalgie et de mal-être. Le bavardage passe ainsi, sans crier gare, de la plus pesante banalité à l’agression soudaine, laissant aussi parfois place aux anecdotes plus ou moins significatives. Pas la moindre action mais plutôt une manière de long soupir collectif. Il faudrait un talent que n’a pas Yasmina Reza lorsqu’elle écrit cette pièce, sa première, pour que le texte ait l’intensité que rend nécessaire le dépouillement délibéré du propos.

Ambiguïté, perversité, désarroi

Du coup, si ce spectacle retient vraiment l’attention, suscitant même une émotion douce amère, c’est grâce à l’intelligence et à l’humanité de la mise en scène de Gabriel Garran. Il a su obtenir de ses comédiens - qu’il connaît parfaitement et dont on sent bien qu’il les apprécie et les respecte - qu’ils se livrent à un travail d’introspection de leur personnage, ne pouvant s’appuyer que sur les vides de la pièce. Il y a ainsi quelque chose d’impressionnant dans la manière dont Jean-Michel Dupuis (Nathan) et Serge Hazanavicius (Alex) installent la relation d’affection/rivalité des deux frères. On est aussi troublé par l’ambiguïté et la perversité que Margot Abascal apporte à Lisa, de même que par le désarroi d’Edith, la sœur, telle que l’interprète la très attachante Mireille Perrier.

Une mise en scène sobre et délicate

Et on n’oubliera pas le couple que composent Bernard Verley et Josiane Stoleru, avec une alternance de verve et de bonhomie. Ayant obtenu le meilleur de ses comédiens, Garran a le bon goût de prendre le parti d’une mise en scène sobre et délicate, composé en simples séquences et s’accommodant parfaitement d’un décor minimaliste. Si on aime les acteurs, on aimera son travail. Au-delà d’une apparente banalité, ce qu’il nous fait ressentir ne saurait nous être indifférent.

Conversation après un enterrement, de Yasmina Reza, mise en scène Gabriel Garran, assistante Myriam Lothamer, décor Florica Malureau, costumes Pascale Bordet, lumières Gaëlle de Malglaive, son Pierre-Jean Horville.
Avec Margot Abascal, Jean-Michel Dupuis, Serge Hazanavicius, Mireille Perrier, Josiane Stoleru et Bernard Verley.

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Stéphane Bugat

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