Beaucoup de bruit pour rien d’après Shakespeare

Le swing élisabéthain

Beaucoup de bruit pour rien d'après Shakespeare

On ne respecte plus rien ! De même qu’Eric Lacascade réécrivait sans gêne Tchekhov et Gorki, Philippe Honoré refait à sa guise et à son humeur Beaucoup de bruit pour rien du grand Shakespeare ! L’histoire est double ; elle conte en parallèle l’aventure de jeunes gens qui n’arrivent pas à s’aimer et les mésaventures d’un autre couple qui voudrait s’adorer davantage mais contre lequel s’acharne un méchant ennemi. Au terme de bien des conflits et de bien des complots, tout s’arrange, on s’en doute, dans un climat de cour aristocratique. Honoré a élagué, compressé, resserré, suivi les lignes de fantaisie, supprimé des personnages, développé la présence de tel autre. Tout cela pour le plaisir de s’amuser en compagnie d’un génie dont il a, bien sûr, conservé les répliques d’un somptueux humour courtois et pour donner à une troupe – la compagnie Philippe Person - une pièce servant équitablement les six acteurs qui la composent.
Joli travail de ciseaux et de cisèlement. Philippe Person, à son tour, a pris ses libertés. Il a transposé l’action aux Etats-Unis dans les années 50. Les jeunes princes sont devenus du G.I.’s en uniforme, les filles à marier des jeunes femmes travaillées par le rock, le swing et la voix d’Elvis. Person est un iconoclaste. Avec La Pèlerine écossaise, il avait tenté de déplacer Guitry dans la France de l’après-guerre, en restant – à notre avis – à mi-chemin. Là, au contraire, le décalage est malicieusement et totalement maîtrisé. Il faut être intelligent et précis pour retrouver la gentille stupidité des films sirupeux de la fabrique hollywoodienne du temps du technicolor ! Le jeu des acteurs, dans un décor minimal mais qui fournit ses propres gags (il y a deux fauteuils pivotants qui fonctionnent comme des castelets), a la précision et la rapidité qu’exige à chaque seconde la comédie. Dans le rôle de l’insupportable Béatrice, Anne Priol fait penser – et ce n’est pas, pour nous, un mince éloge – à Raphaëline Goupilleau. Voilà un bienfaisant swing élisabéthain !

Beaucoup de bruit pour rien, librement adapté de Shakespeare par Philippe Honoré, mise en scène de Philippe Person, décor de Vincent Blot, avec Michel Baladi, Emmanuel Barrouyer, Olivier Guilbert, Anne Priol, Sylvie van Cleven, Caroline Victoria. Lucernaire, Paris, 20 h, tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1 h 15.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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