Du 21 mars au 5 mai 2024 au Studio-Théâtre de la Comédie-Française.

Art majeur par Guillaume Barbot et Pierre-Marie Braye-Weppe.

La reconnaissance existentielle et universelle d’un art dit mineur.

Art majeur par Guillaume Barbot et Pierre-Marie Braye-Weppe.

Art majeur se penche sur la chanson de variété qui peut représenter en soi un frisson intime, lié à la mémoire, le souvenir d’un dé-placement secret. Un spectacle, Art majeur de la chanson et de la musique, au rythme des bouleversements ou micro-événements personnels, qui replace la chanson mineure en majesté : les souvenirs et écrits existentiels d’auteurs, comédiens, chanteurs.

La prose poétique de quatre récits courts et musicaux - réalité ou fiction - rend compte de la rencontre d’une chanson, tel un tremblement subi ou un bouleversement éprouvé par la vie privée. Entre piano, batterie, synthétiseur, accordéon, guitare et violons, que manipulent les interprètes, sonne ce rendez-vous entre auteurs, acteurs, musiciens dans l’élan vif d’un spectacle musical.

Sous la direction musicale de Pierre-Marie Braye-Wappe, dans l’espace et le volume d’une vague ou d’une conque de bois, tel l’intérieur d’un instrument aux dimensions démultipliées, avec ses lambris de bois usés et ses ajours horizontaux, dont la couleur varie selon le jeu de la lumière.

Dans cet antre mystérieux, volent les airs connus d’une vingtaine de chansons françaises - chantées, murmurées ou instrumentales -, dans le plaisir des mots scandés et balancés par chacun. Secret, souvenir, trace sentimentale de temps heureux ou moins - mémoire populaire.

Axel Auriant joue le récit d’Emmanuelle Fournier-Lorentz, aspirant au face à face affectif qui a lieu, un jour, sur le plateau de théâtre de la Comédie-Française, lieu prestigieux s’il en est, et dont l’aventure s’accomplit dans la salle, à l’écoute inattendue d’une chanson contemporaine que l’amoureux recèle sur son i-phone, avant que tout ne s’achève dans la nuit des rues de Paris, illuminées et anonymes, quand l’amante décide de s’en aller. Etonnement, surprise, quant-à-soi.

Léa Lopez déclame et chante le texte de Pauline Delabroy-Allard, se souvenant de l’enfant à naître dans le ventre maternel qui s’exposait à écouter et à recevoir toutes les musiques. La petite fille grandit et veut être punk, comme sa mère, rythmant dans la rue et faisant résonner les mots goûtés et lancés, et comme dégustés de la langue française : « Je suis Léa… ». Elle fait de la danse classique, puis devient comédienne, etc… Une actrice-chanteuse facétieuse et libre, heureuse de déployer son corps svelte dans l’espace d’une vie sensuelle où elle attend l’Amour.

Véronique Vella interprète le texte de Gilles Leroy, évoquant sa chambre mansardée sous les toits de la Porte d’Orléans, vivant avec sa mère, et allant un soir voir Barbara à Bobino - une énigme pour la fillette. Cette grande dame noire qu’elle retrouvera à Pantin, une vingtaine d’années plus tard en 1981, et que le public applaudit tant et tant que l’artiste ne peut plus partir, habillée pour rentrer, et qui chante encore, aspirée par ses fans. L’interprète sur le plateau de théâtre évoque le souvenir de l’homme aimé en Italie, puis son retour dans le XIV ème à Paris, forte de cette expérience amoureuse, fortifiée une fois pour toutes. Façon Barbara qui, sans jamais prononcer le mot aimer, chante « Pierre », parti un jour, mais dont le souvenir heureux reste prégnant à jamais.

Un même sentiment indélébile que le récit de Simon Johannin pour l’acteur Thierry Hancisse révèle aussi, quand il évoque sa mère installée dans son foyer modeste dans le Nord de la France : petit garçon attentif, il vit dans le sillage d’une mère taiseuse qu’une chanson interpelle. L’enfant voit une larme glisser sur la joue maternelle, à ces paroles : « Je ne peux plus dire je t’aime » de Jacques Higelin. Le fils se demandera longtemps pourquoi cette chanson l’a marquée.

Auparavant, Thierry Hancisse aura chanté avec hargne et niaque « Amsterdam, » de Jacques Brel, et plus tard, entre autres ritournelles et morceaux de piano ou d’accordéon, il interprétera à la guitare posée sur ses genoux, et assis sur un tabouret, l’émouvant et poignant « Il voyage en solitaire » de Gérard Manset. Les êtres, dans la recherche de l’âme-soeur, font l’épreuve de l’exil.

Entre musiques et chansons, entre mots saisis, perdus et repris, il aura d’abord été question de l’amour de la vie qui reprend ses droits toujours - la nature implicite négligée s’épanouit, libre enfin -, de la passion inattendue pour l’être aimé à l’éveil conscient de l’existence : de L’Amoureuse de Barbara, à Imaginer l’amour de Juliette Armanet, aux Mots bleus de Christophe, au Temps de l’amour de Françoise Hardy, à La Nuit je mens d’Alain Bashung, jusqu’au Sud de Nino Ferrer…

Un spectacle enchanteur et tonique : Art majeur, entre passé et présent, veille à ce qu’on ait le coeur battant à l’écoute de certains standards renouvelés, restituant intuitions et sentiments.

Art majeur de Pauline Delabroy-Allard, Emmanuelle Fournier-Lorentz, Simon Johannin, Gilles Leroy, Mise en scène de Guillaume Barbot, musiques originales et direction musicale Pierre-Marie Braye-Weppe. Avec la Troupe de la Comédie-Française Thierry Hancisse chant, piano, accordéon, basse, guitare,Véronique Vella chant, guitare, Léa Lopez chant, clavier, basse et Axel Auriant chant, batterie, basse, Pierre-Marie Braye-Weppe chant, batterie, basse, guitare, piano, violon. Du 21 mars au 5 mai 2024, du mercredi au dimanche à 18h30, relâches les 30 et 31 mars au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre 99, rue du Rivoli 75001 - Paris. Tél : 01 44 58 15 15, comedie-francaise.fr
Crédit photo : Vincent Pontet, coll. Comédie-Française.

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Véronique Hotte

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