1669 Tartuffe, Louis XIV et Raphaël Lévy

Texte et mise en scène de Jacques Kraemer

1669 Tartuffe, Louis XIV et Raphaël Lévy

De nos jours, une troupe répète la première scène de Tartuffe. Les comédiennes portent des jupes longues, afin d’avoir la démarche et les gestes adéquates.

Madame Pernelle, mère d’Orgon rouspète et toute la maisonnée prend une volée de bois vert, elle est accompagnée par sa suivante Flipote. Quand on rêve de devenir comédienne, Flipote, n’est pas le rôle auquel on songe. Claudia (Caty Baccega) ressent une profonde frustration, entre deux répétitions, elle se passionne pour l’affaire Raphaël Lévy qui agita Metz en 1669. Au sein de la troupe il y a des jalousies, des dissensions, des jeux de pouvoirs. Deux partis se dégagent : ceux qui se rallient au metteur en scène (François Clavier) qui ne va pas très bien et les autres comédiens qui se mettent au travail autour de l’affaire Raphaël Lévy. N’est-t-il pas plus judicieux de s’intéresser à cette injustice mise aux oubliettes de l’histoire plutôt que de monter un classique ?

Septembre 1669, Raphaël Lévy va à Metz pour faire quelques achats pour célébrer le Nouvel An juif. A quelques lieux, à Glatigny, un petit garçon de trois ans disparait. Un cavalier affirme avoir vu l’enfant caché sous le manteau de Raphaël Lévy. Il n’en faut pas plus pour déchainer les vielles peurs, les haines les plus tenaces, les légendes imbéciles. Les juifs deviennent des buveurs de sang. Malgré des témoignages en sa faveur et une vie tranquille, le pauvre homme est emprisonné, torturé. Seul le roi peut le gracier.

Jacques Kraemer aime mélanger les temps et les espaces, dans ses précédents spectacles Phèdre/Jouvet/Delbo.39/45 tout en gravité, Agnès 68 où l’Ecole des femmes se fait sous les pavés de mai 68. Qu’on le veuille ou non, un artiste vit à son époque et ne peut être hermétique à l’air du temps. Ici, on remarquera une réflexion sur le choix des textes, le questionnement sur le fait de monter encore, et pourquoi pas, une pièce classique, n’y a-t-il pas de l’orgueil dans cette démarche. Mélanger trois temps était risqué mais les spectateurs suivent les répétitions, petit à petit les costumes prennent leur place et les comédiens s’affirment ; les répétitions cèdent la place, non pas à un spectacle en devenir mais à l’histoire d’une famille prise au jeu de pouvoir et de séduction de Tartuffe. De même que de lecture en tâtonnement le tragique destin de Raphaël Lévy nous fait frémir et nous révolte. Le jeu du pouvoir est au centre de chacune des histoires.

Dans ce nouveau et passionnant spectacle le titre, qui peut faire peur, est un guide, 1669.A vos livres d’histoire.
Tartuffe ou l’imposteur est donné dans la salle du Palais-Royal le 5 août 1667, Molière s’attire les foudres des dévots. Le 5 février 1669, la pièce est jouée avec la permission du roi. Cette même année la première édition de Tartuffe est sous les presses.1669, Raphaël Lévy est arrêté et exécuté, Louis XIV ne pourra le sauver mais il empêchera le massacre des juifs de Metz.
Ce nouveau et passionnant travail lui a été inspiré par le livre de Pierre Birnbaum : Un récit de « meurtre rituel » au Grand Siècle - l’affaire Raphaël Lévy Metz 1669 (Editions Fayard 2008).
Ce sujet ne pouvait pas échapper à celui qui fut le créateur du Théâtre Populaire de Lorraine, le spectacle fut crée à l’Opéra Théâtre de Metz le 1er Avril 2011.

Le spectacle de Jacques Kraemer s’inscrit dans une logique qui n’échappera pas à ceux qui le suivent. Nous vous livrons quelques pistes et nous nous abstiendrons de toutes conclusions : les chiffres qui apparaissent dans les titres de ces derniers spectacles, le désir de se servir de la représentation du travail de répétition d’un classique, sur la réflexion pourquoi monter et remonter des classiques. Le désir d’être inscrit dans son époque. Le poids du pouvoir dans la création artistique et les résurgences antisémites. Le décor, avec son jeu sur le lignes de fuite et les niveaux différents pour les époques permet aux spectateurs de suivre la troupe dans ce jeu de piste. Comme toujours Jacques Kraemer a réunit une brillante distribution, mélangeant les compagnons de route comme François Clavier ou Emmanuelle Meyssignac et un petit nouveau dans le clan Kraemer, Mathias Maréchal qui fait un Tartuffe presque trop séduisant que l’on a peine à comprendre les réticences d’Elmire. Jeu de piste, miroir aux alouettes, dédoublement des comédiens jouant un comédien jouant un rôle classique et qui joue l’affaire Raphaël Lévy, inutile d’être scout pour suivre ce voyage dans le temps et la philosophie de ce grand Homme du théâtre qu’est Jacques Kraemer.
Marie- Laure Atinault

1669 Tartuffe, Louis XIV et Raphaël Lévy
Texte et mise en scène de Jacques Kraemer Avec onze comédiens dont François Clavier, Coco Felgeirolles, Emmanuelle Meyssignac, Caty Baccega, Joël Delsault, Coco Felgeirolles, Thomas Gaubiac, Patrick Larzille, Mathias Maréchal, Claudine Pelletier, Pauline Ribat, Jérôme Varanfrain
Salle des Fêtes de Mainvilliers 02 37 28 28 20 les 18,19, 20 et 21

A propos de l'auteur
Marie-Laure Atinault
Marie-Laure Atinault

Le début de sa vie fut compliqué ! Son vrai nom est Cosette, et son enfance ne fut pas facile ! Les Thénardier ne lui firent grâce de rien, théâtre, cinéma, musée, château. Un dur apprentissage. Une fois libérée à la majorité, elle se consacra aux...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook