Woke de Delmaire, Despentes, Pauly, Preciado

Quelques auteurs en quête de personnages

Woke de Delmaire, Despentes, Pauly, Preciado

Au début des années 1920, Pirandello lançait sur scène ses « Six personnages en quête d’auteur » venus offrir leurs existences douloureuses à qui voudraient bien les raconter. A revoir à la Comédie Française en juin 2024. Aujourd’hui, comme dans la réalité de ce spectacle co-écrit par Virginie Despentes, Jukin Delmare, Anne Pauly et Paul B. Precaldo, nous voici en présence de scénaristes en train de s’efforcer de créer une histoire dans laquelle insérer des personnages.

C’est un contrat à honorer auprès d’un patron et il faut que le travail progresse. Mais ce n’est pas si simple car voici que, alors que les discussions vont bon train parmi les auteurs, des personnages virtuels interviennent avec leurs propres conceptions de jeu, mise en abyme intéressante mais certes pas nouvelle.

Entre descriptions de scènes à jouer, utilisation de poncifs pour meubler la structure narrative, le discours tourne en rond ; les désaccords désaccordent ; les tempéraments s’affrontent. Le réel s’entremêle au virtuel. La créativité se heurte à la productivité. Il ne se passe pas grand-chose hormis du verbiage accumulé. Cela prend des allures de comédie babillarde dont le ton hésite entre ironie, dérisoire, absurde sans vraiment sortir d’une ambiguïté genrée comme telle. En effet, le sous-titre proposé à la pièce nous avertissait puisque constituant un parfait oxymore : « Tendresse radicale  ».

La représentation visite une impressionnante série de thèmes liés à l’air du temps et sans cesse réalimentés par les réseaux sociaux, par les partisans d’un changement de mentalité au prix de tables rases dictatoriales, par les accrochés aux traditions bien ancrées dans les habitudes d’un certain conformisme sociétal, par des minorités soudain à la une des médias, par des non-dits brusquement libérés devenus tsunamis en mal de justice expéditive… L’ensemble s’enlise quelque peu dans le trop plein du trop plaint. Pas évident néanmoins que soit concrétisée l’intention de départ affichée comme une volonté de « brouiller le brouhaha du narratif politique et médiatique ambiant  ».

À défaut d’une intrigue moins ténue, la scénographie imaginée par Bobée et Jézéquel joue avec les surprises de métamorphoses spectaculaires qui réaménagent l’espace scénique dans ses trois dimensions, qui suscitent des interventions visuelles monumentales, qui s’associent comme partenaires à la dynamique de l’énergie portée par les comédiens.

Durée : 2h15
12>16.03.2024
Théâtre du Nord Lille

Mise en scène :Virginie Despentes ; Texte : Julien Delmaire, Virginie Despentes, Anne Pauly, Paul B. Preciado ; Distribution : Sasha Andres, Casey, Mata Gabin, Soraya Garlenq, Félix Maritaud, Mascare, Soa de Muse, Clara Ponsot et Clément Bigot, Sam Chemoul, Ambre Germain-Cartron, Miya Péchillon (élèves de l’Ecole du Nord) ; Scénographie : David Bobée, Léa Jézéquel ; Assistanat mise en scène : Fatima Ben Bassal ; Lumières : Stéphane Babi Aubert ; Son : Jean-Noël Françoise ; Costumes : Caroline Tavernier ; Décor : Les ateliers du Théâtre du Nord ; Photo : © Arnaud Bertereau ; Production :Théâtre du Nord, CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France ; Soutien : Plateaux Sauvages

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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