Opéra National de Paris - Bastille - jusqu’au 1er décembre 2009

SALOME de Richard Strauss

Label classique

SALOME de Richard Strauss

Alors que la MC93, haut lieu du spectacle vivant de Bobigny, rend hommage au metteur en scène russe Lev Dodine avec une rétrospective couvrant 25 années de créations à la tête du Théâtre Maly de Saint Petersbourg (*), l’Opéra de Paris reprend sa subtile mise en scène de Salomé de Richard Strauss.

Ce fut en amorce de la saison 2003/2004 l’une des dernières créations commandées par Hugues Gall qui était alors le patron de la grande boutique lyrique parisienne, son chant du départ en quelque sorte. Une réussite esthétique et musicale qui fut d’emblée classée « de référence » et qui, six ans plus tard, reste inscrite sous ce label classique.

Sagement classique même, au plus près de l’écriture originale de ce premier opus lyrique dont Richard Strauss tira le sujet d’une sulfureuse pièce de théâtre d’Oscar Wilde. Lev Dodin souvent plus irrévérencieux ne pratique ici aucune relecture à rebrousse poils, ni la moindre transposition dans le temps et l’espace. Ceux-ci restent ancrés dans l’imaginaire biblique, les hauts murs du décor de David Borovsky, la cage mobile où Jochanaan prophète et objet de tous les désirs de Salomé, est extirpé du puits qui l’emprisonne, la toile de fond du ciel où la lune blême noircit vers le néant, autant de paysages statiques mis en mouvements et en tableaux par les lumières subtilement rasantes de Jean Kalman.

La sensualité au coeur de la direction d’acteurs

C’est la sensualité qui est au cœur de la direction d’acteurs de Lev Dodin, le désir frustré d’Hérodias éclipsée par la beauté électrisante de sa fille, le désir lubrique d’Hérode prêt à tout pour la voir danser et se dévêtir de ses voiles, le désir assoiffé, irrépressible, à la fois pervers et innocent de la princesse Salomé pour ce prisonnier mythique qui lui refuse sa bouche…

La jeune soprano finlandaise Camilla Nylund succède à la finlandaise, créatrice du rôle dans cette production, Karita Mattila et à l’américaine Catherine Naglestad : une prise de rôle risquée, les comparaisons lui déroulant un tapis glissant tant les moyens exigés sont grands. Elle est jolie, elle est féline, elle est Salomé avec un art consommé de comédienne et la grâce d’une danseuse, ce qui fait passer au second plan les hésitations vocales, le besoin de forcer, l’absence d’unité dans les couleurs. Mais on y croit d’autant plus que Vincent Le Texier s’investit magnifiquement et de voix et de jeu dans le héros sacrifié. Julia Juon, qui a participé aux deux premières de cette production, reste une Hérodias crédible même si sa voix s’est durcie et son jeu devenu plus sec, Thomas Moser reste un Hérode impeccable, le timbre toujours chaud, la diction sans faute, et le jeu malin entre noblesse de rang et rouerie libidineuse de vieux voyou.

Dans la fosse Alain Altinoglu, chef doué et souvent fêté, prend la relève de James Conlon et Hartmunt Haenchen mais cette fois ne convainc pas. Tout feu, tout flamme il emporte l’orchestre à un rythme d’enfer où l’on ne reconnaît pas assez la richesse des couleurs straussiennes, leurs états d’âme où le poison des sens rivalise avec la grandeur mystique. Et surtout couvre plus d’une fois les voix des chanteurs.

Salomé de Richard Strauss d’après la pièce d’Oscar Wilde, Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction Alain Altinoglu, mise en scène Lev Dodin, décors et costumes David Borovsky, lumières Jean Kalman, chorégraphie Jourii Vasilkov. Avec Thomas Moser, Julia Juon, Camilla Nylund, Vincent le Texier, Xavier Mas, Varduhi Abrahamyan, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Eric Huchet, Vincent Delhoume, Andreas Jäggi, Gregory Reinhart, Guillaume Antoine, Ugo Rabec, Nicolas Courjal, Scott Wilde, Nahuel Di Pierro, Grzegorz Staskiewicz.

Opéra de Paris – Bastille, les 7, 10, 13, 16, 19, 25 novembre et 1er décembre à 20h – le 22 novembre à 14h30.

+33(0)892 89 90 90 - www.operadeparis.fr

* Huit spectacles (Abramov, Galine, Dostoïevski, Tchekov, Platonov, Grossman, Dodine) en russe surtitrés par les acteurs du Maly Drama Theatre - jusqu’au 6 décembre 2009

+33 1 41 60 72 72

crédits photos : Opéra national de Paris/ Christian Leiber

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook