Paléolithique Story de Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny

Comment une société est-elle devenue aussi délétère ?

Paléolithique Story de Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny

Une invitation à l’exploration des sociétés de chasseurs-cueilleurs, entre 35 000 ans et 6 500 ans avant notre ère, entre le paléolithique supérieur et le néolithique - pivot du début de l’Histoire, depuis les petits groupes de chasseurs-cueilleurs jusqu’aux sociétés horizontales, en passant par la révolution agricole et l’avènement des premières cités jusqu’à nos sociétés inégalitaires.

Une « question » qui hante nos sociétés modernes, dans lesquelles les inégalités sociales atteignent des niveaux records, l’une de celles qui agitent le plus les paléo-anthropologues. Il faut alors interroger le discours dominant selon lequel les inégalités sociales sont la condition sine qua non du mouvement de l’évolution qui mène à la « civilisation », tout comme ses alternatives.

Et construire d’autres regards possibles - suivant l’anthropologie de David Graeber, Marshall Sahlins, Pierre Castres - : le metteur en scène Mathieu Bauer n’y va pas par quatre chemins. Et, à ses côtés, il entraîne le compositeur Sylvain Cartigny et le multi-instrumentiste Lawrence Williams, sans oublier les acteurs qui font le récit et tissent les liens de ce Paléolithique Story, la solaire Emma Liégeois, le facétieux et baroque Romain Pageard et le ténébreux Gianfranco Poddighe.

Un terrain de jeu pour six interprètes malicieux - loufoques, amuseurs et amusés - réunis pour une « enquête archéologique », sur un plateau hétéroclite de stalactites ou autres phénomènes géologiques, entre l’échafaudage d’un musée qu’on achève de construire et une scène musicale.

Le musée est censé ouvrir bientôt mais rien n’est prêt : l’occasion d’hypothèses et d’interprétations pour d’autres récits sur l’origine de nos sociétés et un présent nouveau à mettre en perspective.
Les récits, les discours, les rêves, les sociétés à mieux imaginer tiendront lieu d’ouverture du lieu.

Le texte de Marion Stenton s’inspire du film d’Howard Hawks, L’Impossible Monsieur Bébé, avec le paléontologue déprimé, Gary Grant, et sa lumineuse Kathrine Hepburn qui va le « réveiller ». Le premier est ici l’insatisfait Gianfranco Poddighe, à fleur de peau, et la seconde, la jeune documentaliste, Emma Liégeois, intempestive, frivole et enthousiaste qui secoue le chercheur.

Excentricités, maladresses et catas, les discours argumentatifs de l’un à l’autre vont et viennent.
Et le troisième, Romain Pageard, est un jeune homme qui se prête à toutes les expérimentations et au jeu des théories contradictoires, ballotté, provocateur, équivoque, et relançant les débats.

Une réflexion truculente, instruite et savante que soutient la légèreté, l’insouciance apparente d’une scène ludique et joyeuse, au cours de laquelle les musiciens revêtent des tenues polaires d’ours blanc à la fourrure longue et soyeuse, des tenues inventives et espiègles mi-animales. L’anthropologue est troublé et déstabilisé par ses jeunes acolytes qui lui redonnent finalement vie.

Les interprètes hauts en couleur s’en donnent à coeur joie, porteurs d’élan et de belle énergie - souffle tonique bonifiant -, interpellant la salle éblouie par ces images effervescentes.
Comment s’employer à ce que le monde tourne mieux avec des sociétés plus égalitaires ?

En attendant, reste la musique - voix, saxophone, guitare, piano, batterie - d’influence jazzy avec des clins d’oeil aux musiques populaires - une dimension fantastique qui embarque le public dans un imaginaire salutaire, gorgé de vie souriante et d’allégresse, de fougue et de ferveur bonifiantes.

Paléolithique Story (Comment avons-nous pu nous retrouver si coincés ?) par la Compagnie Tendres Bourreaux. Conception et mise en scène Mathieu Bauer, composition musicale et collaboration artistique Sylvain Cartigny, scénographie et costumes Chantal de La Coste, texte Lazare Boghossian, Marion Stenton et un montage de textes préexistants, collaboration en dramaturgie Thomas Pondevie, création son Arthur Legouhy, création lumière William Lambert, régie générale et vidéo Florent Fouquet. Festival OVNI, les 17 et 18 novembre, Malakoff Scène nationale Théâtre 71, 3 - Malakoff. Du 6 au 10 décembre 20h, sauf le 7 à19h, Théâtre Joliette - programmation Théâtre du Gymnase hors-les-murs, Marseille. Les 2 (19h) et 3 mars (20h) 2023, L’Empreinte, Scène nationale Brive-Tulle. Du 22 mars au 1er avril 2023, 20h sauf le 30 mars 19h, samedi 18h, relâche le 26 mars, Théâtre Public de Montreuil - CDN.

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez.

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Véronique Hotte

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