Opéra National de Lyon jusqu’au 27 octobre 2012

MACBETH de Giuseppe Verdi

Comment diluer la terreur et le mystère d’une ambiance théâtrale

MACBETH de Giuseppe Verdi

Le pouvoir et les tensions qu’il génère, c’est le thème qu’a choisi l’Opéra de Lyon pour la saison 2012-13. On ne pouvait trouver mieux que Macbeth de Giuseppe Verdi pour débuter, tant la pièce de William Shakespeare –dont Francesco Maria Piave s’est inspiré pour le livret- illustre à merveille ce sujet.

L’art de transformer progressivement un alcool fort en eau tiède

Giuseppe Verdi avait déjà allégé le monde de William Shakespeare, froid, gris, terrifiant - à l’image des âmes du couple maudit- par sa musique méditerranéenne alerte et lumineuse. Ivo van Hove va dans le même sens que Giuseppe Verdi. En plaçant l’action dans une salle de marché remplie d’écrans d’ordinateur aux images vivantes et colorées il s’écarte encore davantage du monde shakespearien, de sa froideur, de sa noirceur, de son mystère. Certes le pouvoir siège aujourd’hui dans le monde de la finance mais, sa pression de la finance sur la société est anonyme et donc le manque de personnalisation du protagoniste dilue la tension ressentie par le spectateur. L’ambiance théâtrale de la pièce originale disparait ; l’histoire perd de sa force, de sa grandeur tragique pour devenir une sorte de fait divers à la Jérôme Keriel. Un trader n’a rien d’un chef de guerre.

Une production impressionnante au service d’une mauvaise idée

Applaudissons sans réserve le travail d’Ivo van Hove. Tout d’abord, l’immense cadre lumineux de la scène pris dans sa totalité apporte une sensation de grandeur à cette salle de marché que viennent souligner la sobriété des décors, la prédominance des lignes droites et les lumières de Jan Versweyveld. Soulignons l’impressionnant dispositif vidéo de Tal Yarden avec d’un côté les allusions oniriques au monde informatique, avec des « 0 » et de « 1 » comme il se doit, mais aussi les ombres chinoises montrant l’assassinat de Duncan. Les mouvements excessivement complexes des chœurs ont été très appréciés tout comme l’humanité apportée par la femme de ménage, personnage inventé, témoin muet de toute la tragédie. Le metteur en scène a utilisé les importants moyens mis à sa disposition, et ce faisant il s’est rapproché de Giuseppe Verdi tout en s’éloignant encore et encore de l’œuvre originale.

Mise en scène ou mise en espace ?

Dans ces conditions c’est Francesco Maria Piave qui a nui à la bonne compréhension de la tragédie vue par Ivo van Hove, car s’il est vrai que son livret s’éloigne des textes de Shakespeare il ne s’en sépare pas totalement. Le spectateur attentif aux surtitres n’y a donc rien compris. Dans la salle de marché on a entendu parler –au premier degré et sans le moindre guillemet- de rois et de batailles, de sorcières, de cavernes et de chaudrons, et une longue liste d’etc... sans avoir la moindre confirmation sur scène de la présence de tels personnages, de tels lieux ni de tels objets. Le spectateur attentif a dû alors se demander si à la place d’une représentation classique il n’assistait pas plutôt à une simple mise en espace relevée d’éclatants effets vidéo. Par souci de cohérence et par respect du public le metteur en scène aurait pu, tant qu’à faire, abandonner le texte du librettiste et le remplacer par un autre plus proche du monde de la finance et son au vocabulaire pléthorique – bilan, revenus, action et obligations…- . Pourquoi ne pas avoir abandonné aussi le titre ? Pourquoi pas « J.K. héros maudit d’une salle de marché ».

Un travail de qualité dans la fosse et sur scène

Si actuellement on autorise, et même souvent on applaudit la téléportation dans le temps et dans l’espace des œuvres lyriques, on refuse totalement la moindre dérive musicale ou vocale venant de la fosse ou de la scène. Cette règle non écrite a été scrupuleusement respectée lors de la représentation du 23 octobre. Kazushi Ono a dirigé l’orchestre de l’Opéra de Lyon en se tenant strictement au contenu de la partition, insufflant ici et là l’esprit verdien tout en évitant les effusions trop dramatiques pour mieux s’insérer dans le cadre du décor. Sur la scène les solistes ont été à la hauteur. Evez Abdulla, un peu statique par moments a prêté à Macbeth un ton juste, une émission claire, puissante, égale tout le long de la tessiture. La géorgienne Iano Tamar, plus dramatique que lyrique, a campé un beau personnage de Lady Macbeth. Bien qu’un peu fâchée avec les notes de colorature elle s’est améliorée à chaque intervention pour aboutir dans la plénitude de ses moyens à un émouvant air final. Si Riccardo Zanellato –Banquo- et Viktor Antipenko –Malcom- ont convaincu, la surprise agréable est venue en fin de soirée grâce à la brève intervention de Dmytro Popov -« O figli, o figli miei.. »- en Macduff de très haut niveau. Les chœurs bien préparés par Alan Woodbridge ont été parfaits.

Macbeth, opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave d’après le drame Macbeth de William Shakespeare. Mise en scène d’Ivo van Hove. Direction musicale de Kazushi. Avec : Evez Abdulla, Riccardo Zanellato, Iano Tamar, Kathleen Wilkinson, Dmytro Popov, Viktor Antipenko….

Opéra de Lyon les 13, 15, 17 , 19, 23, 25 et 27 octobre 2012.

Tél. 0 826 305 325 Fax +33 (0)4 72 00 45 46
http://www.opera-lyon.com

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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