Paris, Cartoucherie, jusqu’en décembre 2010
Les naufragés du Fol espoir, une création du Théâtre du Soleil
Que d’aventures !
Ariane Mnouchkine et Hélène Cixous se sont associées à ce grand rêveur de Jules Verne pour concevoir un spectacle de grande envergure poétique qui conjugue imaginaire, histoire et politique. Chacune des histoires racontées, emboîtées comme des poupées russes, tire des fils différents qui se font écho et sont tissés dans une fresque colorée, une geste moderne romanesque pleine de péripéties et d’émotions.
Le plateau de théâtre est le théâtre d’un tournage cinématographique dans le grenier de la guinguette de Félix au bord de la Marne transformé en plateau de cinéma. L’aventure conduite par le cinéaste Jean la palette, un homme pétri de socialisme et de fraternité, apparaît comme un acte de résistance contre le vacarme envahissant des bruits de bottes annonçant la Grande Guerre, celle qui devait être la der des ders. Jean la palette, militant d’éducation populaire, est un digne représentant de cette foi dans le progrès et la science qui embrasa les esprits au début du XXe siècle.
Le film en chantier raconte le naufrage d’immigrés irlandais au détour du cap Horn qui échouent sur une île où se rejoue le débat de la civilisation contre les bons sauvages, l’île comme terrain d’utopie politique du siècle des Lumières dans l’esprit de Thomas More. Chaque épisode est tourné en direct dans les conditions de l’époque, matériels d’époque au détail près, trucages à vue, décor de carton-pâte et de toile peinte. A chaque mise en place, l’effervescence est à son comble et l’ensemble de la troupe est mobilisé dans une agitation enthousiaste et fiévreuse car c’est une course contre la guerre qui se joue ici, combat des hommes de l’art contre la barbarie. Mais inéluctablement la guerre se rapproche avec l’assassinat de Jaurès, dont on entend un fragment de son célèbre discours, l’attentat fatal de Sarajevo.
La mise en scène mêle naturalisme et conventions avec un art consommé de la distance et de la poésie, les deux piliers de l’art théâtral. Comme toujours au théâtre du Soleil, la création est vraiment collective et l’engagement des acteurs est total. Ils font souffler sur le plateau un grand vent de vitalité et d’énergie qui est une invitation au rêve et à l’action. Le titre du spectacle est une bien belle métaphore de l’aventure humaine qui se joue sous nos yeux, la notre. Par la force de ses ambitions et la croyance têtue en l’homme, Ariane Mnouchkine et son théâtre du Soleil réussit à convaincre, sans aucune mièvrerie ni pseudo bons sentiments, qu’il y aura toujours des hommes et des femmes pour mener inlassablement le combat pour la liberté, la fraternité et le rêve, en dépit des incessants naufrages. Au-delà, ce spectacle est un hommage chaleureux aux débuts du cinématographe (la Cartoucherie se situe non loin des studios de Méliès), au théâtre et aux comédiens, un éloge de la création artistique pour penser le monde.
Les Naufragés du Fol espoir, une création collective du Théâtre du Soleil, mi-écrite par Hélène Cixous, librement inspiré d’un roman posthume de Jules Verne, musique de Jean-Jacques Lemêtre. Les mercredis, jeudis, vendredis à 19h30, les samedis à 14h et à 20h. les dimanches de mars et avril à 13h, les dimanches de mai et juin à 14h. Jusqu’en Juin, puis reprise de septembre à décembre 2010. Durée : 3h50. Tel : 01 43 74 24 08.
www.theatredusoleil.fr
