Paris - Théâtre du Châtelet

Le chanteur de Mexico de Francis Lopez

L’operette de papa, version bouffon

Le chanteur de Mexico de Francis Lopez

Eloge de la dérision ou nostalgie des presque seniors ? Le Châtelet revient à ses amours d’antan. Jean-Luc Choplin, nouveau patron de l’institution, donne le « la » du nouvel esprit maison en réinscrivant l’opérette de papa qui fit recette dans les années cinquante : Le Chanteur de Mexico de Francis Lopez, porté autrefois au triomphe par un interprète au charisme exceptionnel, Luis Mariano. Ténor diplômé ès roucoulades, l’œil de braise et le cheveu gominé, il fut le chéri des midinettes et des coiffeurs, bref de tout le monde. Francis Lopez, mélodiste des trottoirs avait eu bien de la chance de tomber sur ce charmeur hors catégorie pour propulser ses chansons suaves dans la foule et la faire chalouper d’aise.

Une drôlerie qui fait vibrer les zygomatiques

Revoici donc pour ses 906ème (et plus) représentations, après 55 ans d’absence, ce Chanteur de Mexico au grand cœur, revisité pour l’occasion en gros clins d’yeux et second degré trempé au kitch. Les mélomanes purs et durs auront beau faire la fine bouche à l’écoute d’une musique si légère qu’elle devient un vin mousseux, impossible d’échapper au plaisir naïf du rendez-vous.

Car le spectacle qu’en a tiré le metteur en scène espagnol Emilio Sagi est d’une drôlerie qui fait vibrer les zygomatiques. Il n’est pas sûr que la réécriture du livret par Agathe Mélinand qui replace l’action durant le tournage d’un film sur Le Chanteur de Mexico, apporte une vraie distance. Le transfert est tout juste prétexte à une série de gags supplémentaires qui éclatent ici ou là comme des petits pétards de carnaval. Le décalage, l’humour, l’irrésistible bonne humeur naissent des incroyables décors échappés de la boutique d’un pâtissier pour Gulliver chez les géants, des costumes ringards et du jeu volontairement stéréotypé, voire caricaturé des chanteurs-acteurs qui transforment leurs personnages en clones de BD. Et qui, visiblement, s’amusent.

Une fantaisie méticuleuse et de l’enthousiasme à revendre

Hormis Franck Leguérinel, professionnel sans faille du répertoire lyrique, la distribution ne réunit pas les voix à la hauteur de l’enjeu car, mine de rien, ces bulles de savon en forme de ritournelles exigent du coffre et de la présence. Dans le rôle titre on découvre le jeune Mathieu Abbeli qui endosse les habits du coq de village en alternance avec l’Espagnol Ismael Jordi. Vocalement le fruit est encore vert mais il se livre sans retenue, il a du charme, de l’allure et une diction parfaite. En drag-queen, superstar de revue, Rossy de Palma en fait des tonnes, souvent hilarante mais pratiquement incompréhensible. Jean Benguigui, acteur lié au répertoire des toutes les avant-garde théâtrales, compose un numéro inattendu d’imprésario survolté. Clotilde Coureau est la déception de la soirée. Où est passée l’adorable Irma la Douce, jouée et chantée il y a quelques années à peine sous la férule de Jérôme Savary ? Plus de voix, un jeu emprunté, elle est méconnaissable.

Fayçal Karoui dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France avec une fantaisie méticuleuse et de l’enthousiasme à revendre. Rossignol de mes amours, Mexiiiiiico, il invite le public à reprendre en chœur et le public se gondole. On est davantage au cabaret qu’à l’opéra, mais Jean-Luc Choplin, s’il tente ici de renouer avec une tradition délaissée, n’oublie pas l’autre vocation de sa maison puisqu’on y verra, entendra bientôt Rameau, Dusapin, Bernstein, Chostakovitch, Bach, Massenet ou Bizet. De quoi réconcilier tout les goûts.

Le Chanteur de Mexico de Francis Lopez, orchestre philharmonique de Radio France, direction Fayçal Karoui, mise en scène Emilio Sagi, révision du livret Agathe Mélinand, décors Daniel Bianco, costumes Renata Schussheim, chorégraphie Nuria Gastejón, avec Ismael Jordi, Mathieu Abelli (en alternance), Franck Leguérinel, Jean Benguigui, Rossy de Palma, Clotilde Coureau.

Théâtre du Châtelet à Paris - du 20 septembre au 1er octobre, puis du 31 octobre au 7 novembre et du 19 juin au 1er juillet 2007. 01 40 28 28 40

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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