Paris – Théâtre de la Vieille Grille jusqu’au 26 septembre 2010

L’étranger d’Albert Camus

Camus ressuscité par Pierrette Dupoyet, Fregoli des grandes causes de l’humanité.

L'étranger d'Albert Camus

Une sacrée bonne femme, Pierrette Dupoyet ! Un phénomène ! Formant à elle seule une institution, une entreprise, une croisade ! Depuis 35 ans, depuis une certaine Jacassière créée en solitaire sur la scène du Sélénite, un café théâtre des années 70, elle enfile les personnages les plus divers, de Colette à Joséphine Baker, de Rimbaud à Dreyfus, raconte leur histoire, leurs causes, en fait des spectacles, et, toujours seule en scène, armée de quelques accessoires, leur donne la parole. Avec un art de la suggestion qui peuple l’imaginaire : on l’écoute et on voit ce qu’elle dit.

Dernier né de ses pérégrinations humanistes, L’étranger d’Albert Camus, a été enfanté au festival d’Avignon où elle officie depuis 28 ans, avec, bon an mal an, trois spectacles dans sa besace qu’elle présente à différentes heures de la journée. Avant une tournée qui l’emmènera vers les lieux les plus divers – des théâtres, des écoles, des hôpitaux, des prisons -, en France, en Belgique et, à travers le monde, dans tous ses ailleurs habituels, la voici en escale à La Vieille Grille. Cheveux courts, lunettes, costume clair de saison chaude et cravate dénouée sur une chemise ouverte, elle est homme, le narrateur de cette singulière épopée d’innocence, de justice et de mort programmée autour de laquelle s’active le premier roman du futur auteur de La Peste et des Justes, mort il y a 50 ans.

Il n’a pas pleuré à la mort de sa mère, il n’a pas étalé son chagrin, il a accepté de boire un café au lait avec le concierge de l’asile. L’absence de larmes visibles sera un élément à charge contre lui quand on le jugera pour le meurtre d’un arabe qu’il ne voulait pas tuer, il ne le connaissait pas, c’est son copain Raymond qui ne l’aimait pas, alors il y a eu cette suite de hasards, ce revolver qu’il lui subtilisa pour qu’il ne fasse pas de bêtises, puis la recherche de la fontaine, derrière le rocher, parce qu’il faisait si chaud, trop chaud. Puis un coup de feu tiré comme ça, pour ainsi dire sans le faire exprès, et les trois autres… Et la machine judiciaire qui se met en marche, à grands coups de déductions et d’accusations qui finiront par le broyer et le mener sous le couperet de la guillotine.

De la belle ouvrage

Tous les personnages défilent, avec et à travers Dupoyet. Céleste, Raymond, Masson , le concierge, le médecin et les autres prennent la forme de statuettes de bois aux visages burinés et en costumes occidentaux, objets d’un « art colon » satiriques qu’elle rapporta d’Afrique. Rien que des hommes. Marie, l’aimée, apparaît sous une forme plus européenne. Des musiques (Yvan Cassar, René Aubry, Armand Amar) scindent le récit. D’autres objets illustrent le récit à la manière d’un album de photo qu’on feuilletterait, ou de pions se promenant sur un échiquier : la balance symbole justice, le petit cercueil, quelques chiffons, et la lame baladeuse de la guillotine. Dupoyet raconte par saccades, rapide, jamais pathétique. L’émotion est dans la situation, elle l’apprivoise, l’œil parfois rivé au loin comme rejoindre l’homme de justice et de fraternité qu’était Camus.

De la belle ouvrage qui va droit au cœur.

Létranger de Camus par Pierrette Dupoyet - Théâtre de la Vieille Grille à 21h, jusqu’au 26 septembre

01 47 07 22 11

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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