Jésus est sur tinder de Rodrigo Garcia

Une jeunesse au dadaïsme postmoderne éventé

Jésus est sur tinder de Rodrigo Garcia

Rodrigo Garcia veut manifestement nous dévoiler ce qui se cache sous les apparences. La séquence de début montre un tapis en train de devenir roulant avant de dévoiler qu’il dissimulait deux personnes vivantes. Un peu plus tard, c’est une sorte de grand sac qui, dès son ouverture, fera surgir un autre protagoniste. A un moment précis, le trio des interprètes se stripteasera intégralement. Quant au très inventif guitariste, il tire de l’intérieur de son instrument quantité de sons insolites composant une bande son en direct.

Ce n’est pas évident immédiatement. Mais en accolant des séquences qui alternent vidéos caricaturales et gesticulations corporelles d’un trio survolté sans liens véritables entre elles, il s’avère que le metteur en scène espagnol a construit un portrait personnel de la jeunesse actuelle. Et ce n’est guère flatteur !

L’abêtissement dont elle est porteuse (comme on porte en soi un virus) vient en premier lieu de ce fourre-tout abracadabrant que constitue internet. Les parodies de romans-photos qui déferlent sur un écran véhiculent un humour grinçant façon «  Charlie Hebdo » ou « Hara-Kiri » qui provoque à coups de grossièretés teintées de vulgaire. Cela date un peu. Mais si on perçoit qu’il ne s’agit pas d’humour mais bel et bien d’une trivialité telle qu’elle déferle sur la toile et dans certains talk show télévisuels, on s’aperçoit que cela correspond à un courant populiste proche des réseaux sociaux débridés au-delà de toutes limites.

La banalité stupide qui ressort des influenceurs et influenceuses de tous bords prodiguant des conseils de vie d’une débilité profonde, d’un réactionnaire préhistorique, d’une connaissance scientifique ou politique en deçà de tout entendement, d’une crédulité bas de gamme poussant à des conduites irrationnelles aussi bien pour l’hygiène de vie que pour une réflexion politique.

Les séquences dansées qui s’entremêlent sont essentiellement corporelles et forcément sexuelles. Il y a là une énergie déployée par les jeunes comédiens qui s’amusent, se défoulent, s’abandonnent, s’exhibent. C’est parfois brouillon. C’est à l’image sans doute des discothèques où on s’entasse dans le bruit des sonos, où la drogue circule, où un certain abrutissement finit par s’installer pour ne pas penser.

Le dérisoire côtoie le symbolique. Un espace rond dans lequel s’entassent des chips qu’un corps nu écrase. Une moto et sa conductrice recouverts de boue quittant la scène et disparaissant.

La vedette, finalement, revient à un robot-chien qui cabotine à souhait, amuse la galerie, fait le beau, va même prendre brièvement l’initiative d’un cunnilingus avec sa maîtresse, se livre à une chorégraphie mécanique, applaudit. Il est le seul, une fois le plateau abandonné par tout le monde, à venir saluer.

Durée 1h45
Festival Next
24-25.11.2023 Le Phénix Valenciennes
En Tournée :
11-12.10.2023 Festival Actoral, Marseille
16.11.2023 Festival Temporada Alta, Girona (Es)
28-29.11.2023 Bonlieu Scène Nationale, Annecy
Texte, mise en scène, scénographie : Rodrigo García
Distribution : Elisa Forcano, Selma Ortega, Javier Pedreira, Carlos Pulpón
Vidéo : Daniel Iturbz, Arturo Iturbe
Production : La Abadia (Madrid), Actoral (Marseille), Le Phénix (Valenciennes), NEXT Festival, Temporada Alta (Girona), Bonlieu (Annecy)

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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