jusqu’au 24 avril 2016
Illusions de Ivan Viripaev
un mensonge qui dit la vérité et réciproquement
Spectacle présenté à l’Aquarium en 2013 lors du festival des écoles par des élèves sortant de l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris. Le metteur en scène Galin Stoev, considérant que ce spectacle dépassait la prestation de fin d’année, l’a repris avec les mêmes acteurs, qui entretemps ont acquis une expérience professionnelle. L’équipe pétille de fraîcheur, d’énergie, remplit l’espace du plateau d’une belle alacrité pour défendre avec grand talent ce texte du Russe Ivan Viripaev que le metteur en scène bulgare Galin Stoev a contribué à faire connaître en France avec Les rêves (2002), Oxygène (2005) ainsi que Danse Dehli (2011).
Initialement le texte met en scène deux couples octogénaires ; sous la direction de Galin Stoev, il est endossé par treize acteurs d’une jeunesse éclatante qui en font une partition polyphonique déconstruite à l’instar des propos qui se font et se défont au fil de la représentation. A la manière d’un talk show, chacun vient raconter le point de vue des personnages sur leur couple. Arrivés à la fin de leur vie, les protagonistes prétendent se livrer au jeu de l’ultime vérité. A voir. Dans une ronde étourdissante, chaque intervention contredit la précédente remettant en jeu des questions éternelles touchant le couple : qu’est-ce que l’amour ? L’amour est-il forcément réciproque ? ou pas ? Qu’en est-il de la sincérité de chacun ? Ne nous racontons-nous pas l’histoire comme ça nous arrange ? Ne nous aveuglons-nous pas nous-mêmes sur nos sentiments ? Est-on les otages de nos émotions qui nous font croire ce qu’elles veulent ? Il y a quelque chose du cynisme de Pinter dans ce manège désespérant où les couples se trompent les uns les autres et eux-mêmes en premier, mais un Pinter qui aurait pris un coup de jeune.
C’est écrit et joué avec beaucoup de facéties, d’autodérision ; il est souligné à l’envi, tel un gag à répétition, que Margaret est une femme douée d’un grand sens de l’humour. Margaret se pendra finalement. On s’amuse de quelques chansons de circonstances (Bang bang, Cry me a river, etc.), de véritables gags qui dédramatisent mais aussi révèlent l’absurdité des situations et des personnages qui butent sur cette terrible question existentielle : il doit bien y avoir un minimum de constance dans ce cosmos changeant…
Un spectacle mené avec entrain par une équipe épatante et très talentueuse, une mise en scène dynamique et impertinente qui démultiplie les actions aux quatre coins du plateau et embrouille avec virtuosité et malice les fils des récits. Un régal d’intelligence.
Illusions de Ivan Viripaev, traduction de Tania Moguilevskaia et Gilles Morel ; mise en scène Galin Stoev ; chorégraphie, Jérémy Petit ; lumière, PierreMontessuit, Elsa Revol. Avec Raphaël Bedrossian, Flora Bourne-Chastel, Elsa Canovas, Jean-Baptiste Florens, Sarah Glond, Lou Granarolo, Valentine Lauzat, Nelly Lawson, Marilou Malo, Pauline Masse, jérémy Petit, Aurélien Pinheiro, Willie Schwartz. Au théâtre de l’Aquarium, jusqu’au 24 avril 2016, du mardi au samedi à 20h30, dimanche 16h. Durée : 1h40. Résa : 01 43 74 99 61.
© Emmanuel Ciepka
Texte publié aux Solitaires intempestifs