Opéra National de Paris jusqu’au 11 octobre 2010

Eugène Onéguine de Piotr I. Tchaikovski

Onéguine de routine

Eugène Onéguine de Piotr I. Tchaikovski

Après la reprise d’un Vaisseau Fantôme de dix ans d’âge (voir http://www.webthea.com/actualites/?Le-Vaisseau-Fantome-de-Richard), voici celle d’un Eugène Onéguine vieux de 15 ans, deux productions signées Willy Decker, metteur en scène allemand qui contribua autrefois à rafraîchir l’approche des opéras du répertoire mais qui aujourd’hui se trouve singulièrement dépassé. Plus encore que celle de Wagner, sa conception du chef d’œuvre intimiste de Tchaïkovski a pris un drôle de coup de vieux.

L’impression de vieillerie est d’autant plus forte qu’est vivace la marque laissée par la production du Théâtre Bolchoï de Moscou qui, à l’invitation de Richard Mortier, ouvrait la saison 2008/2009 de ce même Opéra national de Paris. Il est vrai qu’inviter le trublion des scènes de Russie, Dimitri Tcherniakov, était une prise de risque et scellait en quelque sorte un pacte avec le diable. Mortier aimait les risques et le diable. Nicolas Joël son successeur, ne cultive pas les mêmes sympathies. Il aime les lignes droites, la lisibilité immédiate et le confort des chanteurs qu’il a l’art et le bonheur de bien choisir.

Le manque de direction d’acteurs

On retrouve donc les costumes passe-partout et le décor abstrait de Wolfgang Gussmann, cet espace vide encadré par deux hauts murs obliques que réchauffent heureusement les jeux de lumières de Hans Toelstede. Au troisième acte, la descente des cintres du gigantesque lustre de cristal qui définit le palais du prince Grémine reste une idée forte, même si là aussi, la trop vaste aire de jeu dilue l’intimité qui lie les personnages, Tania et Grémine, Tania et Onéguine, dans leur isolement cloîtré. Mais au-delà du visible, ce qui manque à ce type de reprise, mise en place par des tiers et non par le metteur en scène en titre, c’est la direction d’acteurs. Les interprètes sont livrés à leurs tempéraments, sans cohésion ni idée directrice. Certains y arrivent avec plus ou moins de brio, d’autres restent en rade. Seule la musique leur fournit le terrain qui les unit en homogénéité.

Sublime d’émotions retenues et de pudeur lyrique, celle de Tchaikovski est dirigée par le jeune chef Vasily Petrenko pour la première fois à Paris à la tête de l’Orchestre de son Opéra National. Un peu lent, un peu mou dans les premières scènes, il finit par se chauffer et chauffer ses musiciens jusqu’à trouver l’énergie et la braise qui sous tend les drames secrets de ces vies, somme toute, ordinaires où les fêtes et les bals font battre le pouls des solitudes.

La présence rayonnante de Joseph Kaiser

Baryton choyé par Nicolas Joël qui le distribua dans une demi douzaine de premiers rôles au Capitole de Toulouse qu’il dirigea durant près de vingt ans, Ludovic Tézier, confirme qu’il est un chanteur de tout premier plan – graves de bronze, legato irréprochable, musicalité – et un acteur médiocre. Il fait très justement entendre les humeurs errantes d’Onéguine, le dandy looser mais ne lui apporte aucun relief, lisse et froid comme une endive. Sa neutralité de façade fait d’autant plus ressortir la vivacité de Joseph Kaiser, ténor américain qui incarne Lenski, le poète avec une voix merveilleusement claire et une présence rayonnante. Un début à Paris, une découverte ! Comme celle d’Alisa Kolosova la jeune et pulpeuse mezzo née à Moscou qui apporte à Olga un mélange de sensualité et d’espièglerie. En Tatiana fébrile et exaltée, Olga Guryakova, une habituée de la maison où elle a chanté Rusalka de Dvorak et La guerre et la paix de Prokofiev ( voir : http://www.webthea.com/actualites/?Rusalka,720 et : http://www.webthea.com/actualites/?La-Guerre-et-la-paix,602 ) apporte son charme et ses aigus célestes. Les seconds rôles – Nadine Denize, Gleb Nikolski, Jean-Paul Fouchécourt, Nona Javakhidze, Ugo Rabec – sont correctement tenus. C’est l’image de marque de la maison.

Eugène Onéguine de Piotr I. Tchaïkovski d’après le poème d’Alexandre Pouchkine, orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Vasily Petrenko, mise en scène Willy Decker, décors et costumes Wolfgang Gussmann, lumières Hans Toelstede. Avec Ludovic Tézier, Joseph Kaiser, Olga Guryakova, Alisa Kolosova, Nadine Denize, Nona Javakhidze, Jean-Paul Fouchécourt, Gleb Nikolski, Ugo Rabec, Yves Cochois, Vincent Morrell .

Opéra National de Paris – Bastille, les 17, 20, 23, 29 septembre, 5, 8, 11 octobre à 19h30, le 26 septembre à 14h30

Informations – réservations : 08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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