Bella figura de Yasmina Reza

Comédie du paraître

Bella figura de Yasmina Reza

Yasmina Reza met elle-même en scène sa pièce Bella figura, créée à la Schaubühne de Berlin par Thomas Ostermeier en 2015 et présentée aux Gémeaux à Sceaux en 2017. Toujours la même brillante écriture au service d’un théâtre bourgeois contemporain qui n’a pas toujours tenu les promesses des débuts, en particulier avec la petite musique subtile de Conversation après un enterrement (1992), trop rarement mise en scène. Depuis le succès mérité de Art, son théâtre est un champ de bataille de petits meurtres entre amis, le théâtre de la médiocrité, des convenances et des petites lâchetés en milieu bourgeois. Bella figura n’échappe pas à ce registre.
Dans la première scène volontiers spectaculaire, une pimpante voiture jaune (elle était noire chez Ostermeier) occupe le plateau ; la portière ouverte côté passager découvre de rutilants escarpins rouges et les longues jambes d’Emmanuelle Devos qui fume à l’intérieur dans l’attitude provocatrice de la punaise de base. On est sur le parking d’un restaurant à la campagne. Son amant, Boris (Louis-Do de Lencquesaing) a le tort de lui avouer que c’est sa femme qui lui a parlé de l’endroit. S’en suit une scène de ménage ; en faisant une marche arrière colérique, Boris renverse une vieille dame, qui n’est autre que Yvonne, la belle-mère de Françoise (Camille Japy), la meilleure amie de sa femme. La ficelle est grosse mais c’est sans importance, le tout étant d’installer au plus vite la situation conflictuelle dans laquelle les protagonistes vont s’affronter tour à tour dans la salle de restaurant, la terrasse, les toilettes (où Reza s’amuse visiblement à trousser une pure scène de mauvais boulevard), et retour au parking. Françoise n’a de cesse de mettre dehors Boris et Andréa sa maîtresse mais celle-ci s’incruste, les fausses sorties se multiplient et l’air devient irrespirable. Emmanuelle Devos campe avec talent et beaucoup de subtilité Andréa, ce personnage jeune femme névrosée, ancienne alcoolique, shootée aux médicaments, mère célibataire, terriblement seule, aussi mal à l’aise dans sa vie que dans sa robe trop courte et ses escarpins qui lui tuent les pieds ; elle dissimule ses fractures intérieures derrière un rire de façade, dans une attitude provocante au bord de la conduite d’échec, mais est celle qui le mieux de tous sait faire « bonne figure ». Sans aucun doute une grande comédienne, au cinéma comme au théâtre où on la voit trop peu. En contrepoint au quatuor, Josiane Stoléru est épatante dans le rôle de la vieille dame dans les nuages, constamment à la recherche de son sac à main. Un spectacle séduisant, bien fait, relevé de répliques piquantes, bien joué, mais vraisemblablement volatil.

Bella figura, Texte et mise en scène, Yasmina Reza. Décor, Jacques Gabel ; lumières, Roberto Venturi ; costumes, Marie La Rocca ; son, Bernard Vallery ; musique, Nathan Zanagar, Théodore Eristoff. Avec Emmanuelle Devos, Camille Japy, Louis-Do de Lencquesaing, Josiane Stoléru. Au théâtre du Rond-point jusqu’au 31 décembre 2017 à 21h. Durée : 1h30. Résa : 01 44 95 98 21.
www.theatredurondpooint.fr

© Pascal Victor/ArtComPress

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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