Paris - Opéra Comique - jusqu’au 21 mars 2008 - Théâtre de Caen les 9 & 11 janvier 2009

Zampa ou la fiancée de marbre de Ferdinand Hérold

Retour au bercail du romantisme à la française

Zampa ou la fiancée de marbre de Ferdinand Hérold

Une vague de mises en scène à « l’ancienne », voire « à l’authentique » parcourt actuellement les tréteaux lyriques de France. Après Thésée, Cadmus et Hermione ou autre Andrea Chénier, pour ne citer que les plus récents (voir webthea des 25 janvier, 24 février et 10 mars 2008), l’Opéra Comique opère à son tour la résurrection de Zampa de Ferdinand Hérold, archétype du romantisme à la française tombé dans le purgatoire des oubliettes malgré le triomphe de sa création en mai 1831… à l’Opéra Comique. Nouveau directeur de ce même lieu, Jérôme Deschamps s’est donné pour mission de lui rendre son identité et d’en faire revivre le répertoire : avec des éclairages jusqu’ici plutôt convenus alors qu’on aurait pu attendre du créateur des Deschiens davantage de coups de canif dans la fourmilière des traditions.

Après une Etoile de Chabrier façon burlesque (voir webthea du 17 décembre 2007) voici donc un Zampa dont l’unique effet de surprise se situe dans la fosse où officient William Christie et ses Arts Florissants. Un pari enjoué pour ces chantres des musiques baroques qui d’habitude revisitent avec panache et raffinement les Monteverdi, Purcell, Rameau, Haendel, Charpentier et autres Mozart. Nul dépaysement pourtant avec cette autre pâte musicale dont les débordements ressemblent à une bande dessinée sonore, servie scrupuleusement sur instruments du XIXème siècle, et jouée avec un plaisir quasi communicatif, rythmes endiablés et pauses mélancoliques ouvertes aux rêves se succédant à la vitesse d’un TGV.

Tout va donc se corser pour le corsaire

Du rêve et même du cauchemar, il y en a à revendre dans cet étrange avatar du Don Giovanni de Mozart, mâtiné de Faust, avec séducteur patenté et statue miraculée de Commandeur au féminin. Les trois actes du livret de Mélesville, alias Duveyrier, auteur d’une pléiade de scénarios et de dialogues pour opéras bouffes et opéras comiques, échafaude une trame rocambolesque où un pirate redouté vient semer la zizanie dans les noces annoncées de deux tourtereaux siciliens, Camille, fille d’un riche marchand et Alphonse, jeune officier aristo dans la dèche. Le malfrat des mers jette son dévolu sur la belle, et, pour s’assurer de son consentement, envoie ses sbires s’emparer du père… Mais comme le veut l’adage qui dit que tout criminel revient sur les lieux de ses forfaits, Zampa y retrouve la trace d’une Alice, autrefois séduite et abandonnée, morte de chagrin puis sanctifiée sous la forme d’une statue de marbre qui tout à coup se met à faire des siennes. Tout donc va se corser pour le corsaire, et, de rebondissements en hallucinations, finir dans les enfers d’un Etna rouge de colère tellurique…

De ravissantes robes aux manches bouillonnées

Deschamps et Macha Makeïeff, complices habituels pour la mise en scène, les décors et les costumes, ont opté pour une suite de visions « gothisantes » somme toute assez sages. Les toiles peintes, le mobilier en bois sculpté, les soieries, les couleurs de royauté bleues et rouges piquées dans un livre d’heures, constituent un cadre d’imagerie naïve en phase avec l’anecdote, et dans la continuité de la musique. Les costumes, et particulièrement les ravissantes robes aux manches bouillonnées de Camille sont une réussite. Est-ce suffisant pour remettre sur des rails d’aujourd’hui ce fabliau d’un autre âge ? On s’en serait contenté si le reste de la mise en scène et la distribution avaient suivi la même grâce, le même souci de retrouvailles avec le passé. Tous les passages parlés caractéristiques de l’opéra comique sont joués à coups d’outrances jusqu’à sonner faux. Effet voulu pour retrouver les maniérismes d’antan ? Distanciation brechtienne pour ne pas tomber dans le premier degré ? Le résultat pèse plus qu’il n’illustre ou convainc…

Pourquoi n’avoir pas confié au deuxième ténor le rôle du premier ?

L’autre grand hic de la production tient indubitablement au choix du rôle titre. Si le ténor américain Richard Troxell a des allures de Cyrano conquérant, roule des mécaniques et fait friser ses moustaches d’aguicheur professionnel, la voix hélas manque de séduction, de couleurs et d’intensité. On se demande pourquoi n’avoir pas confié au deuxième ténor le rôle du premier, le jeune suisse Bernard Richter se révélant en Alphonse, le fiancé éconduit, non seulement un être de charme absolu, mais en prime véritable jeune premier romantique doté d’un timbre d’une clarté solaire. Patricia Petitbon, « pensionnaire » des Arts Florissants depuis pas mal d’années, tient ses promesses en Camille énamourée lançant ses trilles rossiniennes avec autant de feu que de fougue. Les seconds rôles sont défendus avec verve, justesse et humour par Doris Lamprecht, Léonard Pezzino, irrésistibles mal mariés, et Vincent Ordonneau en dadais lunaire. En gros moine roublard et pirate de cinéma, deux comédiens de la tribu Deschiens apportent la note burlesque du style maison.

Bref, un spectacle plaisant, joli à regarder, agréable à écouter presque de bout en bout, qui ravira les chineurs de denrées rares. « Les rumeurs », spécialité maison de l’Opéra Comique new look où fleurissent concerts et parodies, promettent par ailleurs de compléter le plaisir de ces redécouvertes.

Zampa ou la fiancée de Marbre de Ferdinand Hérold, livret de Mélesville, orchestre Les Arts Florissants, direction William Christie (Jonathan Cohen le 17 mars), mise en scène Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps, décors et costumes Macha Makeïeff, lumières Dominique Bruguière. Avec Richard Troxell, Patricia Petitbon, Bernard Richter, Léonard Pezzino, Doris Lamprecht, Vincent Ordonneau et les comédien Hervé Lassïnce et Luc Tremblais.
Paris - Opéra Comique, les 10, 12, 14, 17, 19 & 21 mars à 20h. Théâtre de Caen, les 9 & 11 janvier 2009 – Location : 0825 01 01023

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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