Wireless people de G. Fjellman

Internement sur internet

Wireless people de G. Fjellman

Nous voici dans le blanc absolu de ce qu’on imagine être une chambre de confinement au sein d’un établissement psychiatrique, cube clos installé dans son propre réel. En fait, nous voici comme l’annonce la présentation, au sein d’« une zone de bug, un chat Messenger, un vlog YouTube, une recherche Google farfelue, une choré Tik Tok, un réel d’angèle... ». Blanche aussi, Greta, l’accro, l’addict au téléphone portable, aux réseaux internet, la biberonnée au virtuel.

Le spectacle aura pour objectif de nous immerger dans une existence individuelle complètement vécue en fonction de ce qui se déroule sur les réseaux sociaux. Là où on n’existe que si on se montre, on se dévoile, on échange, on reçoit, on renvoie, on consent. Un lieu polymorphe à l’infini mais néanmoins fermé sur lui-même, là où la plénitude de vivre se mesure en statistiques de nombre de liens tissés avec un maximum d’autres individus jouant aux mêmes rites, aux mêmes codes, aux mêmes réflexes, aux mêmes imitations de ce qui est la vogue ou la vague du moment.

Greta est à l’aise dans cet univers où cliquer tient lieu de penser. Jusqu’au jour où elle se rend compte de sa dépendance, se sent manipulée, conditionnée, esseulée communautaire, isolée émotionnelle, robotisée en camisole. Voilà ce que démontre avec brio et bruit ce seule-en-scène collectif.

La forme est multiforme. Un usage quasi permanent de l’anglais, langue des envahisseurs gestionnaires ou instigateurs des réseaux baptisés sociaux, avec sous-titres en français. Un dialogue avec une intelligence artificielle qui finit par laisser percevoir quelque limite, vite gommée par de nouveaux discours. Un déchainement de gesticulations et de grimaces apanage de ‘teaser’ à diffuser. Des adresses, très théâtre classico-démago, au public installé dans la salle et des échanges par gsm. De la chanson en play back. Des informations très sérieuses sur écran avec des statistiques dont les chiffres effraient à propos des utilisateurs, du temps passé en ligne, de l’âge des usagers, de la commercialisation de technologie chaque fois davantage performante.

Entre le monologue et la conférence, entre la danse et des langues mélimêlées, entre le micro à décibels et le murmure confidentiel, entre des séquences propices à l’interrogation ainsi qu’à la réflexion et des redites peu nourries de sens, le texte et la prestation de Greta Fjellman et l’univers sonore de Maïa Blondeau, mènent à une prise de conscience indispensable des nuisances de l’isolement humain en train de ronger les valeurs qui ont fondé ce qu’on appelait jusqu’à présent démocratie.

Est-ce vraiment être vivant si on passe son temps à zapper, scroller, bloguer, (dé)connecter, twitter ou liker ? À jouer au follower ou à l’influenceur ? À être un ami de clic ? Ce spectacle contribue à trouver des réponses à appliquer au quotidien.

Durée : 1h10
Dès 13 ans
Festival Off Avignon Théâtre des Doms 03>21.07.2024

Texte, jeu : Greta Fjellman ; Composition, régie son : Maïa Blondeau ; Regard chorégraphique : Pauline Brun ; Création lumière, espace : Diane Blondeau, Diane Audema ; Régie lumière : Inès Degives ; Conception : Greta Fjellman, Maïa Blondeau ; Coproduction Le Rideau, Atelier Théâtre Jean Vilar ; Soutiens ; Le Bamp, La Chaufferie – Acte 1, la Fabrique de Théâtre, Centre culturel de Verviers, Maison Poème, Zinnema, Centre des Arts scéniques, Théâtre des Doms (Avignon), VGC Kunsten, Artiste 360, Tournées Art et Vie, Service des Arts de la Scène de la Province de Hainaut, Maison Culturelle d’Ath
Photo © AML - Alice Piemme

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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