Bruxelles - Théâtre Royal de La Monnaie

Werther de Jules Massenet

Ludovic Tézier triomphe en Werther baryton

Werther de Jules Massenet

La Monnaie de Bruxelles n’avait plus programmé le chef d’œuvre de Massenet depuis trois décennies. Dans l’esprit festif de décembre, Peter de Caluwe, son nouveau patron, le remet à l’affiche sous un double emballage cadeau : en proposant en alternance deux distributions correspondant à deux versions de l’œuvre. La première, créée à Genève en 1892 dotait le super héros romantique inspiré des Souffrances du jeune Werther de Goethe d’une voix de ténor. Dix ans plus tard, subjugué par la voix d’un baryton vedette de l’époque, l’Italien Mattia Battistini, Massenet transcrivait pour lui la partition du rôle titre.

Ce Werther bis fut inauguré à Varsovie. Mais c’est la version pour ténor que l’on entend d’habitude, d’où la curiosité pour l’écoute de celle pour baryton, surtout quand celle-ci est défendue par Ludovic Tézier, l’un des meilleurs poulains de cette tessiture dans l’écurie des chanteurs français.
On n’aura pas été déçu du voyage. Tézier est un Werther au romantisme flamboyant, la voix sûre, le legato coulant de source, chaleur et diction impeccable. L’ovation que lui fait le public bruxellois est à la mesure de son interprétation, où il se révèle enfin acteur au même titre que chanteur. Un peu de raideur encore, mais une mort – la plus longue agonie du répertoire lyrique – si bien jouée de l’intérieur qu’elle en arrache les larmes et les bravos.

Kazushi Ono mage merveilleux du romantisme

Il est vrai que l’ensemble de la production est de bout en bout un plaisir. D’abord pour l’oreille avec dans la fosse le chef Kazushi Ono, ex-directeur musical de La Monnaie et tout prochain directeur de l’Opéra de Lyon, qui galvanise carrément les musiciens de l’orchestre symphonique maison. On se souvient de l’extraordinaire performance d’Ono au Châtelet quand la création des Bassarides de H.W. Henze fut compromise par une grève des personnels de Radio France privant les musiciens de leurs instruments et partitions. L’espace d’un week-end Ono évita la naufrage en accomplissant un tour de force : ramener la partition destinée à une centaine d’instrumentistes à un effectif de vingt et un solistes. Sans ôter un souffle à la musique de Henze (voir webthea du 28 avril 2005). Plus connu pour son travail sur des compositeurs d’aujourd’hui, Ono se révèle ici le mage merveilleux du romantisme. Rarement on aura entendu les richesses symphoniques de Massenet avec autant de sensualité, de souplesse et de précision. Un vrai régal.

Ludovic Tézier (Werther) Jennifer Larmore (Charlotte)

Aucune déception du côté des voix Jennifer Larmore incarne Charlotte en beauté, la timbre puissant et fruité à la fois, le jeu pathétique, l’allure princière. Jean-Luc Chaignaud, l’autre baryton, le vrai pourrait-on dire, campe un Albert menaçant, ombre omniprésente du mari trompé. Hélène Guilmette en Sophie enfantine, Gilles Cachemaille en Bailli, Yves Saelens et Lionel Lhote en duettistes braillards et pochetronnés complètent sans fausse note la distribution.

Guy Joosten, metteur en scène familier de l’Opéra des Flandres et des théâtres de Belgique, reprend la réalisation qu’il avait signée il y a quelques années à Vienne. On peut ne pas adhérer à la base du décor de carreaux blancs géants tapissant la scène du sol aux cintres, on se laisse séduire par le parti pris d’intimité qui se dégage des espaces en triangle où les actions se déroulent à la fois au dehors et au dedans, paysage romantique aux couleurs des saisons, du printemps à l’hiver où s’achèvent les destins.

Werther de Jules Massenet, d’après Les Souffrances du jeune Werther, de J.W. Goethe, livret d’Edouard Bleu Paul Milliet et Georges Hartman. Orchestre symphonique et chœur d’enfants de La Monnaie, direction Kazushi Ono, mise en scène Guy Joosten, décors Johannes Leiacker, costumes Jorge Jara, lumières Davy Cunningham.
Avec, pour la version baryton : Ludovic Tézier, Jennifer Larmore, Hélène Guilmette, Jean Luc Chaignaud. Pour la version ténor * : Andrew Richards, Sophie Koch, Hendrickje Van Kerkhove, Jean-François Lapointe. Et, pour les deux versions : Gilles Cachemaille, Yves Saelens, Lionel lhote, Olivier Berten, Anneke Luyten.
Bruxelles – Théâtre Royal de La Monnaie -
les 4,5*,6,7*,14*,15,18,20*,21 décembre à 20h – les 9* et 16* à 15h, le 23 à 14h.
+32 (0) 70 233 939 – www.lamonnaie.be

Copyright : Johan Jacobs

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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