Paris, Le Grand Parquet jusqu’au 30 janvier

Un certain songe, une nuit d’été d’après Shakespeare

Une quête du paradis jouée à un train d’enfer

Un certain songe, une nuit d'été d'après Shakespeare

C’est à quelques centaines de mètres des Bouffes du Nord. Le théâtre que propose Richard Demarcy au Grand Parquet, c’est peut-être le théâtre multiculturel qu’a prôné Peter Brook et qu’il n’a pas fait totalement. Les styles sont différents : Brook cherche l’épure, Demarcy préfère le tumulte ou plutôt la fête. En scène, sur ce Parquet où les différents lieux de la pièce se définissent au gré des mouvements et de la musique, des comédiens de différents continents (avec plus d’Africains que de citoyens d’Europe, d’Asie ou d’Amérique) jouent une version du Songe d’une nuit d’été tout à fait réécrite. Ce n’est plus tout à fait un conte britannique mais une légende agitée qui se nourrit de mythes et de pratiques d’ailleurs, magie sénégalaise, théâtre kabuki, acrobaties comiques du cirque, fête foraine, commedia dell’arte, pantomime du boulevard du crime … L’adaptation de Demarcy a suivi deux pistes principales : donner une importance centrale aux personnages de comédiens venant jouer Pyrame et Thisbée (ils ne sont plus les bouffons secondaires, mais le cœur de la pièce), resserrer la mise en parallèle entre les quatre groupes (les amoureux, les gens de pouvoir, les artisans-acteurs, les magiciens). Tout cela se fait aussi en allégeant sans gêne : le spectacle dure deux fois moins qu’une représentation classique de la féerie.
La soirée est turbulente. Orchestré par l’humaniste goguenard qu’est Richard Demarcy, c’est un entrechoc joyeux entre les cultures, qui se marient dans des heurts rieurs. Les partisans d’une fidélité rigoureuse à Shakespeare pourraient ne pas goûter cette liberté qui réinvente le théâtre en direction de la vraie population actuelle, c’est-à-dire un public très mélangé, en quête à la fois de ses origines et d’un cosmopolitisme qui fait voler en éclat les communautarismes. Grâce à une troupe toujours dans la fièvre, mais sachant jouer les divers langages du corps et de la voix, cette quête du paradis jouée à un train d’enfer est l’un des plus beaux cadeaux qu’on puisse faire au spectateur savant comme au spectateur le moins familier du théâtre.

Un certain songe, une nuit d’été de Richard Demarcy et du Naïf Théâtre d’après Shakespeare, mise en scène et scénographie de Richard Demarcy, costumes Jean Lacroix Kamga et Richard Demarcy, avec Antonio da Silva, Bruno Daveze, Chrysogone Diangouaya, Tina Fall, Jean Lacroix Kamga, Guy Lafrance, Nicolas Le Bosse, Gerende May, Lomani Mondanga, Domingas Ngau Afonsina, Ylin Yang. Le Grand Parquet 20 bis, rue du Département 75018 Paris, tél. : 01 40 05 02 30, jusqu’au 30 janvier (durée : 1 h 30).

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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