Trois femmes (l’échappée) de Catherine Anne
Peut-on échapper à son destin ?
Un trio de comédiennes formidables pour interpréter cette jolie pièce de Catherine Anne qui met en scène trois femmes dotées de fortes personnalités qui se trouvent embrouillées dans une histoire à rebondissements, un drame social écrit sur le mode de la comédie. Madame Chevalier, une vieille dame très riche, très acariâtre, l’esprit vif, cinglant (Catherine Hiégel) subit l’auxiliaire de vie (Clotilde Mollet) que sa fille, avec laquelle elle est fâchée, lui impose. Si Joëlle, l’auxiliaire de vie, est une femme résignée à sa condition sociale précaire et subalterne, sa fille, Joëlle aussi (Milena Csergo), ne l’entend pas de cette oreille et est aussi hardie et révoltée que sa mère est pusillanime et fataliste. Joëlle la fille, tel un ouragan, imagine un scénario à haut risque pour s’arracher à tout prix à sa condition, sourde aux mises en garde de sa mère qui craint pour sa place. Il est question d’argent, de classes sociales mais aussi de solitude, d’amour au sens large, de lien, d’audace. Le ton est grave mais l’esprit pétille souvent sous la plume légère de l’auteur.
Les scènes alternent entre deux espaces juxtaposés, qui parfois s’interpénètrent et représentent le salon cossu de Madame Chevalier et la cuisine spartiate des deux Joëlle (décor de Elodie Quenouillère). Les trois comédiennes campent leur personnage avec talent et une belle connivence de jeu dans des gammes de rythmes et de couleurs de jeu très nuancées. Catherine Hiégel bougonne à ravir, elle donne à son personnage beaucoup d’ampleur, à la fois revêche et tendre, au fond blessée par la vie ; Clotilde Mollet n’a pas son pareil pour exprimer l’étonnement, le désarroi, les yeux ronds, le cœur en suspend, vaillant petit soldat qui ravale sa douleur et son orgueil ; et la jeunesse éruptive de Milena Csergo fait vibrer la scène de la force de vie qui anime son personnage. Une distribution de rêve pour un spectacle qui parle avec simplicité de la complexité de nos vies. Peut-on échapper à notre destin, l’autre nom du déterminisme, et à quel prix ?
Trois femmes (L’échappée) texte et mise en scène Catherine Anne. Avec Catherine Hiégel, Clotilde Mollet, Milena Csergo. Costumes, Floriane Gaudin ; son, Madame Miniature ; musique, Emile Juin ; lumières, Samaël Steiner. Au Lucernaire, jusqu’au 5 janvier 2020, du mardi au samedi à 19h, dimanche 16h. Durée : 1h25. Résa : 01 45 44 57 34.
Texte aux Ed. Actes-Sud papier)
© Bellamy
Tournée
5 et 6 mai 2020 à Versailles, Théâtre Montansier
du 12 au 16 mai 2020, à Grenoble, Le Petit Théâtre (MC2)