Du 8 au 21 janvier 2025 aux Plateaux Sauvages, Paris 20 ème.
Transformers d’Amine Adjina et Emilie Prévosteau
La boxe comme prise de conscience de son corps et de celui des autres.
La boxe est un sport de combat réglementé, opposant des adversaires portant des gants spéciaux, se frappant à coups de poing pour la boxe anglaise et à coups de poing et de pied pour la boxe française. La boxe anglaise dont s’occupe Transformers est réglementée, comptant nombre de coups dont certains sont « classiques » : le crochet, le direct, le swing, l’uppercut, l’esquive….
Le spectacle en est fait lors d’une séance d’entraînement par un coach, interprété avec conviction et panache par Romain Dutheil, comédien qui explique à son public qu’il n’est pas exactement le personnage qu’il va jouer, mais plutôt le passeur subtil de l’écriture de l’auteur qui joue lui-même entre théâtre, cinéma et imaginaire. Humour et recul d’une exigence pédagogique à destination des jeunes spectateurs qui découvrent ces « voix » autres et distinctes.
Pour l’écrivain de théâtre Amine Adjina importe l’imaginaire de la boxe anglaise, cinématographique - Rocky, Champion..-, intime - en lien avec son père - et politique, avec entre autres la figure de Mohamed Ali, monument de fierté pour une grande partie du monde, parmi les classes populaires ou opprimées et de couleur.
Tout part de la rencontre entre le coach de boxe déjà cité et une novice - figure féminine rebelle et s’opposant aux complaisances : Hélène Chevallier est tenace et libre. Issu d’une résidence à Sevran, Transformers interroge le rapport au corps, le sien et à celui des autres. La salle de boxe - parquet, affiches, transpiration corporelle - est lieu de rendez-vous avec le ring, le temps du combat, les rounds, la cloche, les coups - tel est l’espace ritualisé conçu pour se dépasser.
La proposition théâtrale pose la question de la transformation - costume, identité, rencontre amoureuse.-, loin des voitures-robots - ces transformers - sauvant le monde. Mémoire enfantine des héros mythiques, boxeurs américains, que le père du narrateur regardait sur le petit écran ; et celle des films, Raging Bull (1980) « taureau furieux » de Martin Scorsese, évoquant la personnalité et la carrière du champion Jack La Motta. Dans Rocco et ses frères (1960) de Lucchino Visconti, un des « frères » témoigne des illusions âcres de la carrière rêvée par les jeunes pauvres. Aujourd’hui, ce sport s’est répandu dans toutes les sphères sociales et s’est féminisé.
Comment raconter la violence qui se déploie le temps d’un round sur le ring et qui s’arrête quand la cloche retentit ? « La boxe est un langage que le corps parle - les pieds, les mouvements, les poings, la tête - : un art de la répétition des gammes » pour laisser à l’instant T s’exprimer la stratégie, le style, la nuance, le charme : soi-même révélé.
La boxe aborde la relation entre coach et boxeuse - entraînement ou pas. Sont donnés à voir ces deux êtres face à nous - des présences d’un rapport immédiat ici et maintenant, un lien existentiel.
Une belle attitude et une façon d’être, de se tenir, de trouver enfin sa juste place, à travers la confiance intuitive d’un geste simplement physique, un mouvement éthique et esthétique - l’écriture, le théâtre et le cinéma - qui conduit non seulement à ébranler une émotion personnelle enfin libérée, mais encore à faire un retour clairvoyant sur soi, installant aussi le spectateur dans une réelle appréciation du monde.
Un spectacle exigeant, se tenant sur le bord de la performance, dans l’entre-deux, mettant en relief une attente, une recherche, une quête, un projet possible pour tous,
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Transformers (Compagnie Le Double), texte Amine Adjina (Actes Sud-Papiers), mise en scène Emilie Prévosteau & Amine Adjina. Interprètes Hélène Chevallier (en alternance avec Émilie Prévosteau) et Romain Dutheil. Collaboration à la scénographie Cécile Trémolières, création sonore Fabien Aléa Nicol, costumes Majan Pochard, régie générale Azéline Cornut, régie vidéo Guillaume Mika, construction décor Frédéric Fruchart. Du 8 au 21 janvier 2025, du lundi au vendredi 19h, samedi 16h30, relâche dimanche, Les Plateaux Sauvages 5, rue des Plâtrières 75020 - Paris. Les 31 janvier, 1er, 2, 3, 4 février 2025, Théâtre 71, Malakoff (Hauts-de-Seine). Les 27 et 28 mars 2025, Espace Bernard-Marie Koltès, Metz (Moselle). Du 7 au 11 avril 2025, Les Plateaux Sauvages 5, rue des Plâtrières 75020.
Crédit photo : Géraldine Aresteanu.-