Angers-Nantes-Dijon jusqu’au 2 juin 2009

TRISTAN ET ISOLDE de Richard Wagner

Une mise en scène d’anthologie réhaussée par une Isolde d’exception

TRISTAN ET ISOLDE de Richard Wagner

Les coproductions ont du bon : grâce à elles des spectacles vus, aimés, voire encensés continuent de vivre et d’apporter leurs lots d’évasion et de rêves à de nouveaux publics. C’est le cas ces jours-ci de la re-création à Angers et à Nantes de l’un des grands succès de l’Opéra de Genève, ce Tristan et Isolde mis en scène par Olivier Py qui fit l’événement de la saison lyrique en 2005 et se vit couronné par le Grand Prix de la Critique Musicale.

Son transfert au tout nouveau Théâtre du Quai à Angers représente à lui seul un exploit technique : l’installation et la manipulation des décors gigantesques et en perpétuel mouvement de Pierre-André Weitz, fidèle compagnon de route et de visions d’Olivier Py exigent de vrais tours de force (qui devront se renouveler à la Cité des Congrès de Nantes puis au Grand Auditorium de Dijon). Les deux compères ont ensemble imaginé ces lieux improbables où se déroule, pratiquement sans action, une passion sans autre issue que la mort. Ce navire au destin fantôme qui, d’Irlande en Cornouaille, transporte les futurs amants, ce point de rendez-vous amoureux et clandestin sur la terre du Roi Marke, ce point d’ancrage enfin du domaine de Tristan qui deviendra son tombeau.

Une géométrie de l’espace où palpite une mer d’encre et d’argent

Paysages d’âmes en nocturnes : on retrouve le style Py, ses bonheurs, ses marottes, ses échafaudages en tubulures où s’accrochent des escaliers en pentes raides, des coursives, des bastingages, les néons blancs en lignes brisées, toute cette géométrie de l’espace où palpite une mer d’encre et d’argent. Au premier acte, de cour à jardin, de la poupe à la proue, le bateau fatal avance imperceptiblement, au deuxième la chambre des amants tourne sur elle-même, du noir au blanc, des ténèbres à la lumière et au troisième le lit de deuil tangue sur un étang fantasmé d’où surgissent, ruisselantes, les hallucinations du mourant, un enfant couronné, une nymphe en robe blanche et chevelure d’ébène. Le final enfin avec ce phare qui pivote, illumine et hisse Isolde transfigurée, debout, bras tendus et mains offertes vers la demeure ultime à partager avec l’homme qu’un philtre magique a indissociablement lié à son destin.

Au-delà des images, la beauté des gestes crée un fil intime avec la musique, la sensualité des mains qui se cherchent, s’effleurent puis s’étreignent en une communion irrésistible. L’odyssée d’Olivier Py au royaume de « l’opéra qui rend fou » en transcende la chair. Et atteint le mysticisme qui est l’une de ses belles marques de fabrique.

Le cor anglais clé de voûte de la fatalité amoureuse

Si de Genève à Angers et à quatre ans d’intervalle les visions sont restées les mêmes l’orchestre et les chanteurs ont forcément changé d’identité. L’Américain John Axelrod, directeur musical de l’Orchestre National des Pays de la Loire depuis à peine un mois n’a pas vraiment su insuffler la veine passionnelle de ce Wagner-là à ses musiciens, sa direction carrée, efficace « au ras des notes » manque singulièrement de ce supplément d’âme qui en fait la spiritualité et que le metteur en scène a si bien su débusquer. A l’exception heureuse et indispensable, du cor anglais, leitmotiv et clé de voûte de la fatalité amoureuse que Jean-François Louis fait entendre avec une infinie subtilité.

La fulgurante Isolde de Sabine Hogrefe

Les chanteurs aussi font la part belle au chef d’œuvre, la Brangäne toute en noblesse et intériorité de la mezzo suédoise Martina Dike, la générosité du magnifique Kurwenal du baryton basse américain Alfred Walker, l’impeccable diction de la basse finlandaise Jyrki Korhonen campant un roi Marke pétri d’humanité. Si des réserves s’imposent autour du Tristan du Russe Leonid Zakhozhaev – timbre de « heldentenor » manquant de maîtrise, émission incertaine et jeu lourdaud, des défauts qui pourtant s’estompent de scène en scène et d’acte en acte jusqu’à devenir plausible –, l’émotion grimpe aux cimes avec la fulgurante Isolde de Sabine Hogrefe, soprano dramatique allemande qui fait de son héroïne une très jeune fille ayant gardé toute la spontanéité et le jusqu’au-boutisme de l’adolescence. Un petit animal doublement piégé par le désir de vengeance et le désir d’amour. Une vraie présence aussi armée de formidables ressources vocales, de la puissance, des aigus aériens, des graves de velours et un legato d’équilibriste. Connue en Allemagne déjà en route pour Bayreuth, mais vraie révélation en France, elle est à ne perdre ni de vue ni d’oreilles.

Tristan und Isolde de Richard Wagner, Orchestre National des Pays de la Loire, direction John Axelrod, chœurs d’Angers Nantes Opéra et de l’Orchestre National des Pays de la Loire direction Xavier Ribes, mise en scène Olivier Py, décors et costumes Pierre-André Weitz. Avec Sabine Hogrefe, Leonid Zakhozhaev, Martina Dike, Alfred Walker, Jyrki Korhonen, Eric Huchet, Christophe Berry, Eric Vrain.

Angers – Théâtre le Quai, le 10 à 14h30, les 13 et 16 mai à 19h -
02 41 22 20 20

Nantes Cité des Congrès les 26, 29 mai et 2 juin à 19h -
02 40 69 77 18

Dijon – Grand Auditorium – le 14 juin à 15h & le 17 18h30 -
03 80 48 82 82

Crédit photo : Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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