Richard III de Shakespeare par Guillaume Séverac-Schmitz.

Le parcours maudit d’un tyran sanguinaire excellemment incarné.

Richard III de Shakespeare par Guillaume Séverac-Schmitz.

Ecriture de jeunesse, Richard III est la dernière pièce du grand cycle historique que le dramaturge anglais a écrit entre 1588 et 1599. Les huit pièces racontent une histoire romancée des rois d’Angleterre sur moins d’un siècle. L’action de Richard III se situe à la toute fin de la Guerre-des-Deux-Roses, alors que la famille York vient de remporter sa bataille contre les Lancastre.

Et Guillaume Séverac-Schmitz, le metteur en scène de ce Richard III, connaît son Shakespeare par coeur : fureur et déchaînement des bas instincts près de vies qui devraient suivre un cours paisible.

Richard III conte l’irrésistible ascension du rôle éponyme, l’autocrate sanguinaire, confondant l’image du mal absolu de l’imaginaire médiéval et la « bête immonde », hantant le XX è siècle (Tragédies de Shakespeare, Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet, Bibliothèque de La Pléiade) et plus, et qui s’étire jusqu’en 2023 - un temps de guerre et de cruauté bien installées en Ukraine.

A la mort de Richard, le mythe d’un roi maudit, meurtrier de ceux qui se tenaient entre lui-même et « l’avenir doré » de la couronne, s’inscrit pour conforter le providentiel Henri Tudor, le vainqueur.

Le rôle de Richard fascine les comédiens, un rôle-titre de composition : la première entrée en scène de Richard III, au début de la pièce, est symptomatique du rôle attribué à ce personnage.
La difformité de Richard est pour lui-même un sujet de plaisanterie sarcastique. Thibault Perrenoud s’amuse en toute conscience, à la fois intense, vindicatif et distant, s’adressant au public, lui demandant son avis, lui donnant le privilège de ses apartés où il fait preuve de contrôle et de maîtrise qui laissent perplexes, tant la figure immonde peut fait état de sensibilité et d’esprit.

La reine Elisabeth - Anne-Laure Tondu -, la famille autour d’elle, face à Richard, est en train d’énoncer sa souffrance immense - être autant maltraitée - : « J’aimerais mieux être une fille de ferme/ Qu’une grande reine, si mon sort est/ D’être ainsi harcelée, injuriée, outragée. »

Tout personnage est essentiel, et tous les interprètes sont au taquet, à la mesure des enjeux de folie et d’éradication du sentiment tendre d’affection, pleins d’élan et de fougue. La folle ascension de Richard ne serait rien sans le meurtre de son frère Clarence - Louis Atlan -, l’assassinat du conseiller Hastings - Nicolas Pirson -, les malédictions de Margaret - Julie Recoing -, la résistance d’Élisabeth, la haine de Lady Anne - Aurore Paris -, l’ambition de Buckingham - Jean Alibert.
Martin Campestre, Sébastien Mignard, Gonzague Van Bervesselès sont vrais. Près de Richard, tous les personnages deviennent des monstres et évoluent dans un monde décadent et délétère.

Une pièce sur la folie sanguinaire et la soif de pouvoir, l’orée d’un effondrement politique et familial avec un acteur perdu dans un espace vide, hurlant à la mort qu’on lui donne un cheval.

Poursuivant sa recherche sur la représentation de la chute, Guillaume Séverac-Schmitz convie avec pertinence les dimensions d’excès et de démesure : « Richard III est un rôle monstre, une bête de scène, un prototype de l’Acteur-Roi : celui qui joue, qui feint, qui piège, qui s’amuse, qui jubile et sera inéluctablement rattrapé par ses cauchemars, pris au piège de son propre jeu. »

Puisque le monde est un théâtre, et la politique, un spectacle, Richard III pose la question de la manipulation de masse – aux résonances évidentes pour un public vivant aujourd’hui dans un système démocratique. Mal politique ou bien Mal individuel ? Des acteurs- amateurs montent sur la scène et représentent le peuple auquel on ment via de fausses informations spectaculaires.

Jeux de lumières, gaz fumigènes, escaliers mobiles de métal, piédestaux de hauteur grandiose d’un métal noir et nu, rappels des images royales de gisants de cathédrale, baignoire blanche à la Marat, lit de drap immaculé puis maculé de mourant pour le roi Edouard, la vie se joue entre le rêve et le cauchemar, la lumière et l’ombre, la vie et la mort, la joie et les pleurs : vivre… Et mourir.
Un spectacle fulgurant, alerte et hanté sur les noires manigances d’un tyran cruel et maudit.

Richard III de Shakespeare, conception et mise en scène de Guillaume Séverac-Schmitz, traduction et adaptation Clément Camar Mercier, scénographie Emmanuel Clolus, création lumière Philippe Berthomé, création son Géraldine Belin, création costumes Emmanuelle Thomas. Du 8 au 10 février 2023 à la MAC-Maison des Arts de Créteil. Du 16 au 18 février 2023 Théâtre Jean Arp-Clamart. Le 8 mars 2023, Le Chanel - Scène nationale de Calais. Du 22 au 25 mars 2023, Théâtre Montansier - Versailles. Le 13 avril 2023, Scène nationale 61- Flers. Du 18 au 20 avril 2023, Théâtre de la Cité, Centre dramatique nationale Toulouse-Occitanie. Du 31 mai au 2 juin 2023, Théâtre de Caen.
Crédit photo : Erik Damiano.

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Véronique Hotte

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