Paris, Comédie des Champs-Elysées

Race de David Mamet

Ces méchants noirs !

 Race de David Mamet

A New York, un homme de couleur blanche débarque dans un cabinet d’avocats pour qu’on assure sa défense. Il est accusé d’avoir tenté de violer une femme noire. Le cabinet est tenu par trois personnes, un avocat noir, un avocat blanc et une assistante noire. Trop heureux d’avoir un client qui semble avoir les moyens de payer de gros honoraires, l’avocat blanc accepte l’affaire. Mais, vite, le débat fait rage dans le bureau. L’avocat noir pense que le dossier se heurtera aux préjugés favorables aux Noirs, qu’un Blanc est à tout coup considéré comme plus fautif qu’un Noir. La jeune assistante, qui semblait impartiale, travaille en secret contre ce client et aggrave les charges réunies contre lui. C’est elle qui conclut par cette phrase, qui résume un état d’esprit majoritaire à New York selon l’auteur : « Il était coupable parce qu’il est Blanc. » L’accusé ne peut avoir droit à un procès équitable, et la vérité ne sera jamais établie.

David Mamet, grand homme du théâtre et du cinéma américain, nous a donné quelques pièces choc qui, dans les adaptations de Pierre Laville, nous ont laissé de grands souvenirs : Glengary Glen Ross, American Buffalo, Romance. Cette fois, l’accord n’est pas au rendez-vous. Qu’est-ce que c’est que ce débat pipé, où un Blanc dénonce le racisme des Noirs pour mieux se laver les mains du racisme des Blancs ? Ce tournoiement d’arguments, qui, insidieusement, va montrer la responsabilité des Noirs dans une justice et une société qu’ils auraient détournées en leur faveur, prend une résonance d’actualité, puisque le sujet évoque fortement l’affaire Dominique Strauss-Kahn (alors que la pièce a été écrite et créée deux ans avant l’affaire du Sofitel de New York). Mais tout cela est sans arrêt pervers et a des allures de discussion philosophique orchestrée par des jésuites au service du plus fort. Quant au rôle de l’assistante noire, il est presque indigne d’un mélo tant il accable cette pauvre femme, traîtresse par excellence !

Pierre Laville assure, là, la mise en scène. Si son adaptation gagnerait à être plus précise dans la traduction de termes juridiques et pratiques, son travail théâtral, dans le décor de Jacques Gabel, reproduit avec habileté le climat des bons films didactiques américains. L’interprétation d’Alex Descas, Thibaut de Montalembert et Sara Martins ne manque pas de finesse. Yvan Attal, qu’on n’avait jamais vu au théâtre (il n’avait joué qu’un spectacle au cours Florent, juste deux soirs !) , est impressionnant de force et de vérité. C’est lui la révélation de la soirée. Mais quelle triste prose, quelle sournoise plaidoierie !

Race de David Mamet, adaptation et mise en scène de Pierre Laville, scénographie de Jacques Gabel, lumière de Jean-Pascal Pracht, avec Yvan Attal, Alex Descas, Sara Martins, Thibaut de Montalembert. Comédie des Champs-Elysées, tél. : 01 53 29 99 19. Texte à L’Avant-Scène Théâtre. (Durée : 1 h 35).

Photo J.P Lozouet

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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1 Message

  • Race de David Mamet 19 mars 2012 14:20, par Une thématheuse

    C’est une pièce creuse, statique, ennuyeuse, avec une totale absence de mise en scène. Les personnages sont là, debout, ils attendent que chacun ait fini sa phrase, et parlent dans le vide. Leurs échanges manquent cruellement de spontanéité, et l’ensemble dégage un sentiment de déjà-vu. Rien de nouveau n’est apporté au débat, la pièce est répétitive, et les incohérences juridiques sont désagréables (une « relaxe » pour un crime, une avocate dénuée de toute déontologie et de rigueur professionnelle, c’est ahurissant).
    Il aurait fallu soit plonger dans l’hyperréalisme, soit en faire une fable acerbe, en adoptant un parti pris. Ici, aucun avis, aucune évolution des personnages, des revirements attendus, des répliques au marteau piqueur. Aucune subtilité.
    Il s’agit d’une pièce très américaine, focalisée sur la question raciale. Rien n’est dit sur la barrière sociale ou sur la domination sexuelle masculine. Cela m’a paru invraisemblable de résumer un viol à une histoire de couleur de peau.
    Enfin, cette pièce entend dévoiler et se jouer des clichés raciaux, mais ne propose que des banalités. Aucune réflexion, aucun argument n’est fourni au soutien des opinions exprimées. Combattre les clichés par d’autres clichés ? Ou par une stigmatisation sans suite ? « Ouuh dire que les femmes noires sont chaudes sexuellement c’est un cliché et c’est mal », oui, d’accord, mais après ? Le propos, caricatural, s’arrête en cours de route.
    Dommage.
    Mais Yvan Attal et Sara Martins sont parfaits.

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