Bobigny –MC93 jusqu’au 8 mai 2011

Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck

Entre Gluck et Berlioz l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris circule sur la voie du plaisir

Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck

Comme chaque année l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris, centre de formation et de perfectionnement de jeunes artistes professionnels, présente, hors les murs, un spectacle complet. Pour la troisième fois c’est la MC93 de Bobigny qui accueille la troupe, ses musiciens, ses choristes : après Le Mariage Secret de Cimarosa puis Mirandolina de B. Martinu (voir webthea des 3 mai 2009 et 29 juin 2010), c’est l’un des plus mythiques chefs d’œuvre du répertoire qui vient d’y prendre place. Orphée et Eurydice de Gluck fait partie de ces ouvrages à clés et à mystères, composé et recomposé par le même auteur, retravaillé, réarrangé par un autre un siècle plus tard.

Bref un puits d’énigmes dont Gluck, tira une première version en 1762 sur un livret italien de Calzabigi, puis 12 ans plus tard une version en langue française sur un texte signé Pierre Louis Moline. En 1859 Hector Berlioz répond à une commande du Théâtre Lyrique de Paris et créé une nouvelle version de l’étrange tragédie qui mène un musicien qui tire des sons magiques de sa lyre dans l’enfer d’où il espère ramener la femme de sa vie, morte et emportée accidentellement en pleine jeunesse en pleine beauté… La nouveauté apportée par Berlioz fut de transposer le timbre de castrat initialement prévu pour le rôle d’Orphée en une voix féminine grave de mezzo soprano.

C’est cette version, moyennant quelques coupures et quelques arrangements – notamment la restitution de deux grands airs – que l’équipe formée par les chanteurs de l’Atelier Lyrique et les musiciens de l’Orchestre Atelier Ostinato qui a été choisie. L’exercice est périlleux à la fois dans sa recherche de style et dans la réalisation d’une forme visuelle, entre le monde des vivants et celui de ceux qui ont cessé d’en faire partie. Dominique Pitoiset et Stephen Taylor, auteurs de la mise en scène et de la scénographie font faire le grand écart aux siècles et aux légendes. Eurydice est morte de nos jours, et c’est dans une sorte de-bureau que ses proches signent le registre des condoléances, tandis que dans une pièce adjointe – chambre d’hôtel ou d’hôpital ? – son corps inanimé git sur un lit aux draps bien tirés. La scène tournante permet de passer d’un lieu à l’autre tandis que sur les côtés le chœur des esprits, des nymphes et des bergers chaussés de lunettes noires accompagnent les péripéties.

Jolie pépée et voix pleines de promesses

Les ballets sont supprimés, quelques vidéos rappellent les jours de joie de vivre de la défunte… Orphée est un jeune homme en complet veston de deuil, Amour qui lui donne l’espoir de faire revivre sa bien aimée, a la silhouette et les traits d’une jolie pépée pour magazine de modes ados.

L’ensemble s’articule harmonieusement. La voie du plaisir est palpable. Les solistes font entendre des voix pleines de promesses. Marianne Crebassa dont on a pu déjà louer la tessiture dorée et la présence magnétique dans Les Hauts de Hurlevent lors du dernier Festival de Radio France et Montpellier (voir webthea du 22 juillet 2010), prête son talent au personnage d’Orphée en alternance avec la Russe Alisa Kolosova à la belle sensualité remarquée déjà la saison dernière dans le rôle d’Olga d’Eugène Onéguine (voir webthea du 24 octobre 2010). Autorité et élégance font oublier que la diction française n’a pas encore atteint le niveau de qualité de la voix. Ilona Krzywicka, soprano polonaise, qui le fut la très belle Mirandolina de Martinu, toujours fraîche et lumineuse se partage le rôle d’Eurydice avec la Chinoise Chenxing Yuan. Amour, l’allumeuse clope au bec, a les aigus aguicheurs d’Olivia Doray, Elisa Cenni, soprano italienne souvent vue et entendue dans des seconds rôles en prend en alternance la défroque sexy et les déhanchements.

Geoffroy Jourdain mène sans bavure mais aussi sans grand raffinement les instrumentistes d’OstinatO, les chanteurs du Jeune Chœur de Paris s’investissent en revanche avec une fougue et un élan irréprochable.

Orphée et Eurydice de C. W. Gluck, livret de Pierre Louis Moline d’après Calzabigi, version française revue par H. Berlioz. Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris, Orchestre-Atelier OstinatO, Jeune Chœur de Paris (Département pour jeunes chanteurs). Direction musicale Geoffroy Jourdain, mise en scène et scénographie Dominique Pitoiset, Stephen Taylor, costumes Axel Aust, lumières Christophe Pitoiset. Avec, en alternance, Marianne Crebassa et Alisa Kolosova, Chenxing Yuan et Ilona Krzywicka, Olivia Doray et Elisa Cenni.

Bobigny - MC 93, les 2, 4, 6 à 20h30, le 8 à 14h30 et les 3 et 5 mai à 14h30 (représentations scolaires)

08 92 89 90 90 – 01 41 60 72 72

http://www.mc93.com/
Crédit photo : Mirco Magliocca

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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