Paris, Lucernaire

Œdipe de Voltaire

Une réhabilitation

 Œdipe de Voltaire

Le discrédit de Voltaire comme auteur de théâtre est l’un des plus grands camouflets que la postérité ait infligés à une gloire donnée comme éternelle. On sait que l’auteur de Candide fut couronné à la fin de sa vie comme le plus grand auteur de tragédies de son siècle et comme l’égal de Racine. Or, si quelques aventureux veulent bien s’intéresser aux comédies ou drames larmoyants de l’illustre philosophe (L’Ecossaise, L’Orphelin de la Chine), plus personne ne se passionne pour ses tragédies. On monte Zaïre une fois tous les cinquante ans et Mahomet n’est parfois repris que pour jeter un pavé contre l’islamisme. C’est dire que Jean-Claude Seguin, choisissant l’Œdipe de Voltaire, n’a pas suivi une impulsion grégaire mais emprunté une voie où il peut se sentir un peu solitaire. Bien lui en a pris. Cet Œdipe, qu’il a abrégé pour répondre aux obligations du off (il a créé ce spectacle pour Avignon, il y a un an), peut se voir comme une curiosité, mais surtout comme une découverte qui est à la fois un plaisir et la réparation d’une injustice.

C’est la première pièce de Voltaire. Il a 24 ans et déjà une sérieuse allergie à la religion et à son infiltration dans les affaires de l’Etat. Pour lui, Œdipe, c’est un problème de personnalité et c’est une affaire de pouvoir clérical. Très respectueux de Sophocle, éloigné de toute tentation baroque, il conte le malheur d’Œdipe selon une trajectoire très directe, en faisant intervenir un grand prêtre odieux et terrifiant. Jean-Claude Seguin a conçu un spectacle nocturne. C’est une avancée dans les ténèbres, sur une terre dépouillée, traversée par une branche d’arbre. Les acteurs, Vincent Domenach, Marie Grudzinski, François Chaudat et leurs partenaires, savent à la fois figurer des personnalités fortes et dire le vers. Il y a quelque chose de rituel et de fantastique dans cette vision qui tourne le dos à l’élégance du XVIIIe siècle. Entendre Œdipe dire : « J’abhorre le flambeau qui me veut éclairer / J’ai peur de connaître ce que je veux ignorer », c’est une délectation.

Œdipe de Voltaire, adaptation et mise en scène de Jean-Claude Seguin, scénographie de Charlotte Villermet, sons (musique et chœur) d’Andrea Cohen, costumes de Florinda Donga, lumière de Hervé Bontemps, avec François Chaudat, Vincent Domenach, Luc Ducros, Marie Grudzinski, Antoine Herbez, Julie Wiatr. Lucernaire, 21 h 30, tél. : 01 45 44 57 34. (Durée : 1 h 25).

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook