Notre soleil de Fran Kourouma

Parcours migratoire semé d’embuches

Notre soleil de Fran Kourouma

Un décor de touques, ces tonneaux métalliques associés à des transports de fuel, sert d’élément scénique qui dans notre imaginaire occidental rappelle les pays producteurs de pétrole et les déserts ; ils servent aussi dans ce cas précis, de praticables propices à devenir sièges pour s’asseoir, pirogue à enfourcher, socles sur lesquels se planter afin d’occuper l’espace scénique de manières différentes selon les circonstances . Ce sera l’univers de Fran Kourouma, Guinéen en exil, flanqué d’un bâton qu’on qualifierait volontiers de pèlerin, mais aussi pagaie ou gourdin.

Son seul-en-scène est une prestation théâtrale. Mais c’est d’abord le témoignage d’un être qui apprend à ses dépends que ses semblables sont loin d’être angéliques. La plupart ne tiennent pas leur promesses, essaient de rentabiliser toute action en exigeant de l’argent de ceux qu’ils sont censés aider ou protéger. Les travaux proposés sont les plus lourds et les moins valorisants. Nulle empathie à travers toutes les péripéties vécues. Mais de la violence, des abus systématiques de pouvoir allant même, en ce deuxième millénaire, jusqu’à la mise en vente comme esclave.

Qu’il s’agisse de simples citoyens, de fonctionnaires, de chefs d’entreprises, de sous-fifres aigris, les brimades sont monnaie courante, les exactions incessantes, le mépris fréquent, une malhonnêteté de clans mafieux comportement lamentablement ordinaire. Le racisme envers ceux qui ont la peau noire étant même, semble-t-il, plus virulent en Afrique qu’en Europe. N’empêche, une fois en Belgique, l’eldorado se révèle plutôt galère pour qui se retrouve sans papiers, sans abri.

Pour Fran, finalement, la persévérance, l’obstination, et quelques bonnes volontés belges finissent par rétablir un certain équilibre entre misère pesante et travail intégré. Le message du narrateur étant qu’il est souhaitable et indispensable que les émigrés soient traités en tant qu’êtres humains et non comme matière économique à exploiter, ni en tant que profiteurs parasites assistés. Qu’on ne puisse plus constater, comme il l’écrit : «  Certains de nos frères blacks disent que nous, les peaux noires, nous avons été créés pour la vie de forçat…  » Rien de revendicatif dans ce moment théâtral. Plutôt le constat implacable d’un manque criant d’humanité.

Durée : 50’
14.12.2024 La Grange Mouscron (Be) Festival "Frontières"
17.01.2025 Foyer culturel Chiny (Be)

Auteur, interprète : Fran Kourouma ; adaptation, mise en scène : Sandra Raco ; assistanat à la mise en scène : Laure Chartier ;Boris Olivier ; voix off : Babetida Sadjo ; création lumière : Jérôme Dejean ; création son, musique : Laurent Beumier ; costume : Sabine Dubart ; décor : Angela Castro ; aide à la scénographie : Léa Gardin ; œil extérieur : Nathan Fourquet Duba ; production : Cie du Simorgh ; coproduction Com’ des Demoiselles, La Valette, Théâtre royal des Galeries ; photo © Marc Bailly

Lire : Fran Kouroma, Sandra Raco, « Notre soleil - par les côtes du Maghreb », Bruxelles, Samsa, 2021, 192 p.(18 €)
Compléter : Louis Witter, "La Battue", Paris, Seuil, 2023
Stéphanie Coste, "Le passeur", Paris, Gallimard, 2021
Xavier Deutsch, "Homme noir sur fond blanc", Namur, Mijade, 2021

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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