Du 29 novembre au 8 décembre 2024 à la MC93 - Bobigny. Le Festival d’Automne à Paris.
Marius, librement inspiré du titre de Pagnol, par Joël Pommerat.
Les difficultés d’une émancipation personnelle pour tous.
Marius, inspiré de l’œuvre de Marcel Pagnol, explore l’enfermement et l’évasion. Certains des comédiens du spectacle de Joël Pommerat ont découvert le théâtre à la Maison Centrale d’Arles. Sur la sellette ainsi, la puissance du rêve, du songe et de l’imaginaire de ceux qui éprouvent de près la privation de liberté, - corps et âme.
À Marseille, Marius travaille dans la boulangerie de son père, où il rêve de voyage : il fait face à un dilemme : prendre le large ou rester auprès de ceux qu’il aime. La question est loin d’être simple et évidente, même si Pagnol penche pour le respect du rêve juvénile. La version, réécrite et mise en scène par Pommerat, a d’abord eu lieu en milieu carcéral, puis re-jouée avec certains des mêmes comédiens et d’autres. L’adaptation contemporaine de la comédie a « bougé », soutenue par l’imagination des interprètes, portant les qualités d’une version âpre et émouvante.
Marius, prénom du titre éponyme de la pièce (1929), est le fils de César, patron d’une boulangerie marseillaise en perte de vitesse. Le jeune homme voudrait voguer jusqu’aux confins du monde, une aspiration folle à laquelle il ne résiste. L’amour de Fanny, la fille sensée de la coiffeuse du salon d’à côté, le retient. Or, fine mouche, celle-ci comprend que l’amoureux sera malheureux s’il ne s’embarque pas. Elle feint de vouloir épouser l’argent de l’arrogant et comique Panisse pour rendre à Marius sa liberté ; un scénario qui le conforte à partir un jour sur un beau voilier.
D’autres personnages pittoresques animent cette pièce, Escartefigue, le patron du « fériboîte », le jeune douanier lyonnais, et le vendeur d’oiseaux exotiques. Des scènes, comme la partie de cartes du troisième acte, ont acquis une célébrité notoire : César ne triche plus grâce à ses cartes de coeur mais à celles de pique.
Soit la considération amusée de la devise d’époque vichyssoise, « Travail, Famille, Patrie ». Et Pagnol fut catalogué comme auteur pétainiste, ayant toujours défendu pourtant, depuis les années 1930, un anti-conformisme et une certaine radicalité, soutenant d’abord une morale laïque et républicaine, contre les diktats de la religion.
La défense de la patrie n’est guère ce qui occupe les protagonistes de ce petit monde populaire et que l’auteur met en lumière : certains ont grandi dans la pauvreté et connaissent encore la gêne. Ils n’ignorent pas que celui de leurs enfants qui ne travaille pas vivra sans ressources ou bien à leurs dépens - ceci est considéré fatalement comme une insulte à leur courage patriarcal et à leur fatigue.(Marcel Pagnol, Jacques Bens, coll. écrivains de toujours, édit. du Seuil, 1994).
César, bougon, reproche à son fils son manque d’ardeur à la besogne, mais de façon imagée et désinvolte, allant jusqu’à mimer la bonne attitude commerciale et déterminée derrière son comptoir, face aux clients : « La vérité, c’est que tu es mou et paresseux. Tu es tout le portrait de ton oncle Emile. Celui-là, il repassait jamais au soleil parce que ça le fatiguait de traîner son ombre… » (Marius, I, 3).
Quant à la famille, elle conserve une certaine force dans les pays méditerranéens. Dans les traditions rurales, avant les influences manifestes des villes, les enfants certes porteurs de droits s’allient aux parents à qui ils doivent obéissance, respect, devoirs. Les habitués - proximité morale - et les voisins élargissent le clan familial.
Or, parents et enfants s’aiment les uns les autres sans se le dire, ni se l’avouer par pudeur. Masculinité, domination mâle, les fils s’effacent et les filles existent à peine.
Le Marius de Joël Pommerat est un savoureux moment d’Histoire, de théâtre authentique, à travers gens de théâtre et ex-prisonniers qui ont fait de cet art, une possibilité salutaire de survie - un retour à soi en échangeant et en partageant avec l’autre une même traversée expérimentale, sociale et existentielle.
Changement d’époque et émancipation, le spectacle n’en est que plus cocasse.
Le public est concerné et tendu, amusé encore par la teneur comique des propos et la gestuelle joviale : les paroles fusent, percutantes et ciblées, ironiques ; que les personnages parlent ou se taisent, ils sont présents, sensibles, secrets, humains.
Marius, conception et mise en scène Joël Pommerat, librement inspiré de la pièce Marius de Marcel Pagnol, créé en collaboration avec Caroline Guiela Nguyen et Jean Ruimi, créé en collaboration avec Damien Baudry (le fada), Élise Douyère (Fanny), Michel Galera (Marius), Ange Melenyk (Escartefigue), Redwane Rajel (Piquoiseau), Jean Ruimi (César), Bernard Traversa (Panisse), Ludovic Velon (le douanier).Scénographie et lumière Éric Soyer, costumes Isabelle Deffin, création sonore Philippe Perrin, François Leymarie. Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, spectacle vu le 16 novembre à Points communs, Théâtre des Louvrais, Scène nationale Cergy-Pontoise. Les 19 et 20 novembre, au Théâtre de l’Agora - Scène nationale de l’Essonne. Du 29 novembre 2024 au 8 décembre 2024, du mardi au vendredi 20h, samedi 30 novembre 18h, samedi 7 décembre 19h, dimanche 16h à la MC93 - Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny, 9 Boulevard Lénine, 93000 Bobigny. Tél : 01 41 60 72 60, 01 41 60 72 72. Du 12 au 14 décembre à La Merise à Trappes (Yvelines). Du 18 au 19 décembre, La Ferme du Buisson, Scène nationale, cinéma centre d’art contemporain, Noisiel ( Seine et Marne). Du 8 au 12 janvier 2025 , Le Zef, Scène nationale de Marseille (Bouches-du-Rhône). Du 29 au 31 janvier, Théâtre de l’Union, CDN de Limoges (Haute Vienne). Les 4 et 5 mars, Le Cratère, Scène nationale d’Alès (Gard). Du 12 au 21 mars, Comédie de Genève (Suisse). Les 2 et 3 avril, Le Parvis, Scène nationale de Tarbes-Pyrénées (Hautes-Pyrénées). Du 23 avril au 3 mai, Théâtre Nationale de Strasbourg (Bas-Rhin). Les 6 et 7 mai, Théâtre + Cinéma, Scène nationale Grand Narbonne (Aude). Du 20 au 22 mai, Le Bateau feu, Scène nationale de Dunkerque (Nord). Les 10 e 11 juin, L’Avant-Seine, Théâtre de Colombes (Hauts-de-Seine). Crédit photo : Agathe Pommerat.