Majorana 370 de Florient Azoulay et Elisabeth Bouchaud

Quantique des quantiques

Majorana 370 de Florient Azoulay et Elisabeth Bouchaud

Les radars, les radios, le radium sont silencieux. Où sont-ils passés ? Réunis pour l’écriture d’une pièce à quatre mains, le dramaturge Florent Azoulay et la physicienne Elisabeth Bouchaud se sont interrogés, en les fondant dans une même intrigue, deux disparitions : celle du physicien italien Ettore Majorana et celle de l’avion de la Malaysian Airlines (vol MH 370) entre Kuala Lumpur et Pékin. La seconde énigme est connue, c’était en 2014. La première l’est moins : ce grand savant, un des premiers chercheurs au monde dans son domaine, a annoncé son suicide en Sicile en 1938 mais pourrait avoir survécu pas mal d’années au Venezuela.
Deux histoires s’entremêlent : l’une, romanesque, où une jeune femme part en Malaisie pour adopter un enfant (c’est un désir qu’elle partage avec une autre femme, sa compagne) et va trouver la mort dans le crash de l’avion ; l’autre, fondée sur l’Histoire, où Ettore Majonara progresse dans son activité, va se perfectionner en Allemagne, revient travailler en Italie avec d’autres scientifiques, acquiert une dimension considérable puis décide de devenir invisible.
Le texte d’Azoulay et Bouchaud associe la rigueur factuelle et un vagabondage fantaisiste, comme si les auteurs pouvaient intégrer les visions flottantes des sciences quantiques dans les pleins et déliés de leur écriture. Xavier Gallais a fait de même et conçu une mise en scène glissante, étrange, aux scènes qui semblent tournoyer en boucle su le plateau. Le décor de Luca Antonucci, entièrement blanc, impose un climat de science, et de science-fiction. Les acteurs ne se font nécessairement face, ils peuvent se parler en se tournant le dos. Ils sont autant silencieux que bavards. L’accord entre de jeunes comédiens tout juste sortis du Conservatoire, Manon Clavel, Sylvain Debry, Mégane Ferrat, Benjamin Gazzeri Guillet, Jean-Baptiste Le Vaillant, Marie-Christine Letort, Alexandre Manbon, Simon Rembado, et une comédienne au grand passé (et au grand futur !), Marie-Christine Letort, se fait bien dans cette valse lente et incertaine des personnages. Nos logiques habituelles ne servent plus pour suivre ces deux aventures nouées sous le mythe d’Icare. Tout est assez quantiques sur ce plateau ! Certains spectateurs peuvent se sentir perdus ou mis à l’écart. Mais l’on n’est pas dans un laboratoire. Nous sommes, avec une certaine obscurité, dans le plaisir du théâtre, la Reine blanche accédant là à ce niveau de fiction scientifique qu’elle annonçait et qu’elle atteint enfin après des années de rodage dans le paysage culturel parisien.

Majorana 370, "la disparition énigmatique d’un génie visionnaire", de Florient Azoulay et Elisabeth Bouchaud, mise en scène de Xavier Gallais, assistanat de Sandrine Delsaux, scénographie de Luca Antonucci, musique d’Olivier Innocenti, son de Florent Dalmas, lumières de Matthieu Ferry, costumes de Delphine Treantan, chorégraphie de Fabio Dolce, avec Manon Clavel, Sylvain Debry, Mégane Ferrat, Benjamin Gazzeri Guillet, Jean-Baptiste Le Vaillant, Marie-Christine Letort, Alexandre Manbon, Simon Rembado.

Théâtre de la Reine Blanche, 20 h 45 du mercredi au samedi, 16 h le dimanche, tél. : 0140 05 06 96, jusqu’au 5 avril. (Durée : 1 h 50).

Photo Pascal Gély.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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