Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à parler d’amour de Yannick Jaulin
Avis de naufrage
Yannick Jaulin est définitivement associé au petit village de Pougne-Hérisson dont le nom est à lui seul une promesse de poésie. Le conteur poitevin, (précisions d’origine vendéenne) nous régale depuis longtemps des histoires plus ou moins fantasmées de son village, toujours goûteuses, souvent drôles, parfois empreintes d’un voile de nostalgie ou de tristesse. Un paradoxe qu’il porte sur son visage quand l’expression grave laisse brusquement place à un sourire éclatant de gaîté, gamin. Ces deux derniers spectacles présentés en diptyque puisent à la source matricielle locale mais de biais, pour nourrir un propos théorique dans Ma Langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour, plus intime dans Causer d’amour (voir l’article de Gilles Costaz à propos de ce dernier).
Dans le premier spectacle il se livre à une défense et illustration de la langue maternelle à l’inverse de Du Bellay qui en son temps défendait la « vraie » langue française, le local opprimé s’opposant au national conquérant. Yannick Jaulin s’emploie avec force arguments rhétoriques et exemples pittoresques à montrer l’importance des parlers locaux, des dialectes et patois réduits au rang de parents pauvres en voie d’extinction quand ils portent une culture, et plus qu’une culture, toute l’histoire du locuteur, le lien, les racines de cette langue maternelle qui nous ancre dans le monde. (Le Grec Vassili Alexakis, écrivain et traducteur a écrit un livre magnifique sur cette question, intitulé simplement, Ma langue maternelle).
Le sujet ne se cantonne pas aux parlers locaux. L’histoire de la langue est d’abord une histoire de pouvoir politique dont on voit les ravages aujourd’hui chez les migrants. Jaulin défend avec véhémence l’idée qu’au lieu de nier indignement leur culture on ferait mieux de la respecter, de montrer de la curiosité, d’apprendre d’eux, ainsi le respect de leur identité native serait un véritable gage d’intégration et la base pour la construction d’une nouvelle identité. Toutes les langues sont bâtardes et leur bâtardise les enrichit (de même que le métissage des peuples). Une langue qui meurt c’est un monde qui disparaît et la « vraie » langue n’est qu’un artefact du pouvoir.
Mais n’allez pas croire que le conteur cède sa place à l’avocat des droits de l’homme. Il danse ses mots et fait chanter sa langue maternelle dont il est le dernier dépositaire familial, en conversation avec le formidable musicien et chanteur béarnais, Alain Larribet, berger et explorateur du monde et des cultures musicales. « La langue maternelle, c’est la langue des rivières intimes, de l’irrationnel. La langue des volcans, du bouillonnement intérieur, des brûlures violentes ». Jaulin marie rhétorique et poésie, colère, tendresse et humour. Tour à tour conférencier et « plouc » de service, le spectacle commence comme un cours d’histoire pour prendre peu à peu racine dans un terreau originel, le Poitou. A chacun son terreau à cultiver avec amour et partage.
Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour de et par Yannick Jaulin. Accompagnement musical et composition, Alain Larribet. Collaboration à l’écriture, Morgan Houdemont et Gérard Baraton. Lumières, Fabrice Vétault. Son, Olivier Pouquet. A Paris, aux Bouffes du Nord jusqu’au 26 octobre du jeudi au samedi à 19h puis en tournée. Durée : 1h.
© Florence Houchot
Tournée
4 octobre 2019
Oloron-Sainte-Marie
10 au 26 octobre 2019
Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
14 novembre 2019
Nogent sur Marne
15 novembre 2019
Mont-de-Marsan
20 novembre 2019
Saumr
21 novembre 2019
Coutances
24 novembre 2019
Guingamp
22 et 23 novembre 2019
Niort
4 et 5 décembre 2019
Redon
10 au 12 décembre 2019
Dijon
17 décembre 2019
Chevilly la rue
31 janvier 2020
Soullans
1er février 2019
Le Perrier
2 février 2019
Pouzauges
5 au 8 février 2020
Cavaillon
9 février 2020
Saint-Symphorien-de-Lay
22 février 2020
Bastia
2 au 4 avril 2020
Lons le Saunier
24 et 25 avril 2020
Narbonne
14 et 15 mai 2020
Grenoble