Liszt, les mots, l’amour

Michael Lonsdale et Nicolas Celoro évoquent le pèlerinage amoureux de Liszt.

Liszt, les mots, l'amour

Liszt a écrit de grands cycles pour piano inspirés de recueils poétiques, par exemple les Harmonies poétiques et religieuses. Mais ce ne sont pas ces pages qu’ont retenues le pianiste Nicolas Celoro et le comédien Michael Lonsdale à l’occasion de leur spectacle « Franz Liszt ou le rêve d’amour », donné Salle Gaveau dans le cadre de la série « Autour du piano ». Ils ont préféré choisir un texte de Jehan Despert évoquant les amours de Liszt et Marie d’Agout, de la première rencontre à Paris, en 1833, jusqu’à la mort de Marie, en 1876, que le musicien apprendra par la presse.

Sur cette trame romanesque, que Despert raconte de manière linéaire, Nicolas Celoro a imaginé un programme composé de pages spectaculaires ou méditatives (La Campanella, Un sospiro) qui suivent le parcours amoureux et créateur de Liszt. Qui le suivent toutefois d’une manière assez vague, tant il est décidément impossible de faire un précipité, au sens chimique du terme, avec la musique et la littérature. Comme l’écrit le compositeur Oscar Strasnoy, la musique ne peut guère exprimer que « des groupes d’affects, réduits, finalement, à quelques conventions : l’allégresse, la mélancolie, l’incitation martiale, la nostalgie, et trois ou quatre états d’âme ». Et c’est toute l’ambiguïté de ce type de spectacle, qui se propose de réunir les mots et les notes mais au bout du compte juxtapose deux registres qui se marient comme l’huile et l’eau. Il est toujours possible de mettre la musique en condition, de l’inscrire dans un contexte, de lui faire dire des choses que les mots auront dites avant elle ; en même temps, pour celui qui aura été distrait à l’écoute des mots, elle pourra exprimer tout autre chose, ou elle n’exprimera rien, comme le disait Stravinsky, étant en elle-même son principe, son moteur et sa fin. On ajoutera un détail : tant que les spectateurs ne se retiendront pas d’applaudir à la fin de chaque morceau, la fusion supposée ou attendue entre les plages de texte et les plages de musique n’aura jamais aucune chance de se produire.

Ce qui n’enlève rien, évidemment, au talent du grand Michael Lonsdale, comédien dont la voix douce, la bienveillance et la malice rentrée font toujours merveille. Quant à Nicolas Celoro, c’est un pianiste généreux (il offre trois bis dont la Sixième Rhapsodie hongroise), même si l’on attendrait de sa part une conception plus personnelle de chacune des pages qu’il aborde et un toucher plus moelleux, une tension qui ne se résume pas à la force. Nicolas Celoro est par ailleurs soucieux de redonner ses droits à l’interprète, à celui qui apporte au texte musical et ne se contente pas de le restituer. Le statut de l’interprète a en effet beaucoup changé par rapport au XIXe siècle, le goût d’improviser s’est perdu (sauf dans le jazz, bien sûr), mais on remarquera qu’il revient, depuis quelques années, sous les doigts de musiciens comme Karol Beffa ou Thierry Escaich, pour n’en citer que deux.
Nicolas Celoro, lui, a composé une cadence pour la Deuxième Rhapsodie hongroise, là où elle est prévue par Liszt lui-même, luxe que peu de pianistes se permettent. Il est vrai qu’il est par ailleurs compositeur à part entière, dans une veine, à en juger par le Prélude qu’il a offert en bis, où les souvenirs de Liszt voisinent avec ceux de Ravel.

photo : Nicolas Celoro, Liszt, Michael Lonsdale (dr)

« Franz Liszt ou le rêve d’amour », Salle Gaveau, Jeudi 15 mars. Le spectacle sera redonné le 2 mai au Théâtre de Boulogne-Billancourt et le 4 juin au Théâtre « Les Franciscains » de Béziers.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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