Paris, Théâtre des Mathurins

Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare

Les lumières du life show

Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare

Après avoir réussi une très jolie transposition de La Nuit des rois dans un XXe siècle imprécis, Nicolas Briançon tente une acclimatation du Songe d’une nuit d’été dans les plus proches années 70. Les femmes portent des robes noires et blanches style Courrèges, les hommes sont en cuir et en « patt’d’eph », ils dansent sur des rythmes latinos. Le chapeau melon coiffe pas mal d’hommes : c’est un emprunt, une allusion à Orange mécanique de Kubrick et à ses jeunes gens violents. La nuit d’été est une nuit de discothèque de « life show » avec ses mâts métalliques autour desquels tournent les filles et ses escaliers montant vers une scène suspendue. Dans l’esprit de Briançon, le moment de folie sensuelle que décrit Shakespeare – sous l’effet du climat d’été et de doux génies utilisant leurs pouvoirs magiques des couples se défont et se reforment – correspond à la période de libération de l’après-68, pendant laquelle les interdits sautent et l’impossible devient possible. Cette idée, il la colore de noir : dans ces relations amoureuses et ces manipulations il voit plus de violence et de rouerie méchante qu’on n’en percevait jusqu’alors. Règne en arrière-plan la dureté d’une certaine recherche du plaisir et de l’individualisme triomphant.
Avec cette vision s’efface la grâce qui entoure généralement la pièce. D’ailleurs, Nicolas Briançon a peut-être eu tort de ne pas travailler avec son scénographe habituel, Pierre-Yves Leprince, et de choisir Bernard Fau, au dessin plus froid et sec. On est également étonné que les deux acteurs vedettes aient si peu de choses à faire : bien qu’elle joue deux rôles (Tatiana et Hippolyte), Mélanie Doutey n’a guère le temps de déployer sa beauté rêveuse (pourtant, elle semble faite pour les féeries de Shakespeare) ; Lorànt Deustsch compose un Puck sarcastique qui gagnerait à être plus élaboré. Les autres interprètes ont plus le temps d’imposer leur rôle. Nicolas Briançon s’est réservé le personnage central de l’ordonnateur de la nuit, Oberon, et il y est, heureusement, royal. Jouant les deux couples d’amoureux, Davy Sardou, Marie-Julie Baup, Elsa Mollien et Thibault Lacour ont cette dose de fraîcheur et d’inattendu, qui manque aux danseuses en cuir noir chargées de semer le trouble dans l’air nocturne. Pour les scènes comiques, avec la fameuse scène des histrions amateurs jouant Pyrame et Thisbé, la forte nature d’Yves Pignot emporte le morceau. Mais la bascule voulue par Briançon paraît se bloquer à mi-chemin entre le show et le théâtre, laissant ce rapprochement entre le rêve élisabéthain et l’explosion soixante-huitarde comme ébauché. Pourtant, la version française de Leleu et Briançon, allégée, un peu simplifiée, est fruitée et savoureuse.

Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, adaptation de Nicolas Briançon et Pierre-Alain Leleu, mise en scène de Nicolas Briançon, décors de Bernard Fau, lumières de Gaëlle de Malglaive, costumes de Michel Dussarat, chorégraphie de Karine Orts, avec Marie-Julie Baup, Laurent Benoit, Nicolas Briançon, Ophélie Crispin, Dominique Daguier, Lorànt Deutsch, Mélanie Doutey, Thibault Lacour, Léon Lesacq, Maxime Lombard, Thierry Lopez, Jacques Marchand, Elsa Mollien, Caroline Mongin, Marianne Nicot, Yves Pignot, Davy Sardou, Jessy Ugolin, Anouk Viale, Floriane Vincent. Théâtre de la Porte Saont-Martin, Paris, 20 h, tél. : 01 42 08 00 32. Durée : 2 h 40.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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1 Message

  • Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare 16 juillet 2013 13:15, par souchay

    je cherche à savoir si elsa mollien joue une pièce cette année au festivla d’avignon

    Répondre au message

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