Le Revizor de Gogol

Le bal de la corruption

Le Revizor de Gogol

A-t-on jamais dépassé Le Revizor dans le genre de la comédie noire ? On connaît la trame : dans une ville très éloignée de Moscou, les notables et les bourgeois grenouillent et détournent allègrement les biens de l’Etat et des particuliers, quand tombe la nouvelle de l’arrivée d’un revizor. Cet inspecteur vient vérifier les comptes et le fonctionnement des services régionaux. Aussitôt le personnage redouté est repéré ; tous les édiles et privilégiés se jettent à son cou, essaient de le séduire, le couvrent de mensonges et de flatteries. Celui-ci garde une certaine distance mais leur demande des aides financières. Curieux : un représentant de l’Etat qui quémande des kopecks ! Peut-être n’est-il pas le revizor attendu...
La version établie par Ronan Rivière resserre le texte et le nombre de personnages . Cela lui donne un rythme particulièrement vif. L’essentiel demeure : cette comédie du quiproquo est un bal de la corruption, de l’ambition et du mensonge. Le décor est de guingois, les pieds de la table sont trop courts sur l’un des côtés, les vitres sont penchées, tout est charbonneux et le piano, sur lequel un artiste joue dans l’action et non pas loin des acteurs, est presque au milieu de la scène. Les habits sont taillés dans un drap lourd et noir. Tout sent la laideur, la cupidité, le complot obscur ! Ronan Rivière joue lui-même le personnage du revizor (vrai ou faux) d’une manière fiévreuse et nerveuse, avec une grande présence romanesque : c’est un maigre, un affamé parmi les gras, les bien nourris ! Ses partenaires, Michaël Cohen, Jean-Benoît Terral, Jérôme Rodriguez ont de la force, l’épaisseur, à travers un jeu entier, bourru, exalté ou sournois. Christelle Saez donne au seul rôle féminin son juste mélange de charme et d’étroitesse d’esprit. Il y a dans cette mise en scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix une violence assassine tout à fait séduisante, grâce à laquelle ce Revizor est l’un des plus convaincants que l’on ait vus ces dernières années – et l’on en a vu un certain nombre, dans les salles les plus huppées de Paris !

Le Revizor de Gogol, adaptation de Ronan Rivière d’après la traduction de Prosper Mérimée, mise en scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix, musique de Léon Bailly, scénographie d’Antoine Milian, costumes d’Elsa Fabrega, lumières de Xavier Duthu, avec Michaël Cohen, Ronan Rivière, Christelle Saez, Jean-Benoît Terral, Louis Thelier en alternance avec Philippe Suberbie. Au piano, Olivier Mazal ou Alexandre Zerbi.

Lucernaire, 20 h, tél. : 0142 22 66 87, jusqu’au 11 octobre. (Durée : 1 h 25).

Photo New Glob.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook