La très tragique histoire d’Œdipe
Mythe éternel, présence contemporaine
S’il est un mythe connu de la majorité des gens, c’est bien celui que Sophocle a mis en mots, près de cinq siècles avant note ère. Parce que c’est une sorte de fait divers monumental que cette histoire d’un gars qui finit par assassiner son père et procréer des enfants avec sa propre mère avant de se crever les yeux pour se punir de n’avoir pas vu venir à lui cette tragédie. Parce que Freud en prit la substance pour expliquer un complexe rendu presque banal. Parce que, depuis, nombre d’écrivains et certains compositeurs ont repris le schéma de cette histoire pour la réécrire en l’adaptant à chaque époque.
Avec la troupe « La Chute », Benoit Verhaert donne ici une version condensée de « Œdipe roi » et de « Œdipe à Colone ». Elle s’insère d’une manière éclatante dans notre modernité. Son postulat est que cette narration porte en elle les ferments d’une réflexion sur des problèmes qui agitent toujours nos interrogations : violence humaine, familles décomposées recomposées, fragilité des valeurs bafouées, vérités masquées, refus d’affronter le réel, quête d’identité, errances migratoires, liberté individuelle difficile face à une destinée collective, confrontations permanentes entre utopies spirituelles et réalités matérialistes de l’existence, entre innocence ou culpabilité au sein de la responsabilité…
D’emblée, le comédien metteur en scène affirme sa démarche comme une exploitation intelligente de ce qui constitue l’essence du théâtre : transmettre une histoire en public avec la conjonction d’ingrédients propres au spectacle vivant. À savoir : une parole incarnée par des corps, puis des éléments symboliques qui suggèrent une image compréhensible sans recourir à un réalisme impossible à respecter et, enfin une conviction qui convainc chacun des spectateurs à être en communion avec les acteurs. En quelque sorte, un retour vers la source historique du théâtre.
Ici donc, un rideau rouge derrière lequel on suppose des coulisses et que franchiront les protagonistes et, plus tard, les spectateurs ; une série de colonnes architecturales façon art grec mais en plastique transparent ; des masques épisodiques comme dans le théâtre antique ; un bandage à un pied lorsque l’interprétation du rôle titre change d’interprète (Œdipe signifie étymologiquement ‘pieds gonflés’) ; une percussion en direct pour souligner certaines tensions ou changements de lieux…
Comédiennes et comédiens incarnent tous les protagonistes y compris, en guise de prologue, celui d’un chauffeur de salle car le va-et-vient entre antiquité et XXIe siècle est récurrent durant toute la représentation sans impression d’anachronisme ou de hiatus. La troupe donne une cohérence chaleureuse de proximité avec le public.
Aucun effet superflu, aucune grandiloquence mais la transmission d’un texte manifestement réécrit pour être joué. Les mots portent sens. Le spectacle vivant est le seul qui puisse provoquer un si intense échange avec une culture ancienne redevenue nôtre, une fiction intemporelle et la réalité au présent.
En tournée : 26-27.09.2023 Centre Staquet Mouscron [Be]
07-08.11.2023 Maison culturelle Ath [Be]
19.03.2024 Centre culturel Braine-L’Alleud [Be]
Auteurs : Sophocle / Benoît Verhaert
Mise en scène : Benoît Verhaert
Distribution : (en alternance) Stéphane Pirard et Rachid Benbouchta, Céline Peret, Pauline Haugness, Benoît Verhaert
Création lumières : Claude Taymans
Scénographie : Thierry Harduin, Benoît Verhaert
Diffusion : Manuela Leone
Coproduction : Théâtre de la Chute , Centre culturel Staquet (Mouscron [Be])
Soutien : Fédération Wallonie-Bruxelles.
Remerciements : Baladins du Miroir
Comparer : version de E. Lacascade https://webtheatre.fr/OEdipe-roi-de-Sophocle
version de G.Enescu https://webtheatre.fr/Oedipe-de-Georges-Enescu-1667