La décision de V. Hennebicq
Images indécises
Le projet initial était de prendre le contrepied des considérations pessimistes qui se diffusent à propos de l’avenir de l’humanité. Et, dans ce but, de rassembler et interroger des enfants.
Ensuite, d’imaginer une époque où il faut se décider à mettre en quarantaine absolue une partie de l’humanité parce la planète s’est désertifiée. En l’occurrence les plus jeunes, ceux qui constituent le futur. Ils resteront enfermés dans une sorte de blockhaus dont ils sortiront lorsque les dangers auront perdu leur nocivité. Ce temps fictionnel d’attente étant symbolisé par la thématique des ’quatre saisons’ de Vivaldi.
Nous sommes bel et bien dans l’optique d’une utopie qui surgirait alors que le monde vient de finir en dystopie. Problème que ce spectacle « musical de science fiction » effleure comme il se contente de le faire pour d’autres questions vitales.
L’ambigüité de l’ensemble laisse une impression de malaise. Certes, le travail réalisé avec les enfants se présente comme un aboutissement réussi. Ils ont tous un dynamisme corporel réjouissant. Ils conservent une part non négligeable de spontanéité même si le spectacle réclame forcément un minimum de repères fixes dans la gestuelle comme dans la parole. Ils jouent divers instruments de musique avec une belle conviction. Et plastiquement, les uniformes blancs (autre symbole assez facile) qui les habillent suscitent un effet esthétique certain. Quel autre symbole verra-t-on aussi dans le fait que le choix des interprètes ne donne pas l’impression d’une diversité ethnique patente pour repeupler la planète ?
Mais surtout, il y a cette présence perpétuelle d’un adulte qui se comporte au début, lors des interviews, comme un être de chair avant d’adopter la conduite ‘mécanique’ supposée de son rôle d’androïde dépositaire de la culture humaine à transmettre. Cette figure assimilée à celle du père, du patriarche, du mentor, du gourou pèse beaucoup idéologiquement sur le déroulement des comportements. D’autant qu’elle atteste que la jeunesse est désormais entre les mains d’une intelligence artificielle. Heureusement (?), le robot dysfonctionne, tombe en panne et abandonne donc les gosses à eux-mêmes. Il leur faudra devenir adultes tout seuls.
Même si les auteurs pensent que « la musique transmet beaucoup plus que la parole », domine l’impression que ce spectacle s’est bâti sur des mots plutôt que sur des idées. Et ce n’est pas parce la fin voit s’ouvrir une porte par laquelle tout le monde sort vers une lumière printanière éclatante que l’avenir est assuré. Parce rien de concret n’est vraiment prévu. Nouvelle dystopie en vue ?
Durée : 1h
18.10.2023 Maison de la Culture Tournai (Be)
Écriture et mise en scène : Vincent Hennebicq
Composition musicale, ateliers enfants : Marine Horbaczewski
Distribution : Jean-Baptiste Szézot, Claudie Alby, Milla Baily, Suzy Chariot Szézot, Albane Delaere, Timothé Grimonpont, Emile Guarini De Ridder, Adam Rharouss, Lydia Souza, Sophia Souza, Eloïse Walem
Scénographie, création lumière, vidéo : Giacinto Caponio
Création sonore : Olivia Carrère
Création costumes : Émilie Jonet
Collaboration à la dramaturgie : Julia Huet Alberola
Régie son : Benoit Pelé
Régie lumière : Julien Vernay
Régie vidéo : Gauthier Roumagne
Régie plateau : Ondine Delaunois
Photo (c) Céline Chariot
Production : Popi Jones asbl
Coproduction : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre de Namur, Maison de la culture (Tournai), Théâtre de Liège, La Coop ASBL, Shelter Prod
Construction décor, confection costumes : Ateliers du Théâtre National Wallonie-Bruxelles