La Truite de Baptiste Amann

Une famille se met à table

La Truite de Baptiste Amann

L’auteur Baptiste Amann et le metteur en scène Rémy Barché sont deux personnalités montantes du jeune théâtre. Le premier a été joué à la Bastille, à Reims, à Théâtre Ouvert. Le second a créé ses spectacles à Reims et au théâtre de la Colline, avec un goût prononcé pour l’œuvre de Martin Crimp. Le thème de la révolution est central chez Amann, dont on a pu voir les différents volets de Des territoires (dans l’un d’eux, les personnages revivaient des épisodes de la Commune de Paris). Cette obsession-là est présente dans La Truite, mais de façon plus discrète. On est cette fois davantage confronté à la famille et à ses tensions d’apparence innocentes et pourtant d’une incroyable violence. Un couple vit sans ses enfants. Ils ont tous grandi. Hétérosexuels et homosexuels, ils se sont mariés ou vivent avec un amie, ou une amie, ont des enfants. Mais ils reviennent. C’est le soixantième anniversaire du père. Lui est bonhomme, elle est écorchée vive, se formalise pour un rien. Tous deux vivent dans un certain confort, à l’écart, avec un jardin. La maison et la blanquette sont prêtes pour la fête de famille. Les couples arrivent les uns après les autres. Presque tous ont le don de compliquer, gentiment, la vie de leurs proches. A commencer par la fille qui ne mangera pas de blanquette et vient avec sa truite à mettre sur une poêle...
Long texte ! C’est presque une saga ! Dans l’écriture de Baptiste Amann, tout est bien vu. Il y a une perception de la société très aiguë, mais la progression dramatique est presque trop maîtrisée. Tout est réglé, développé, pour que chaque personnage ait le même volume de texte et sa scène capitale – c’est bien pour les acteurs, mais cela produit une construction qui manque de ruptures et de surprises. Quant aux conflits entre les générations, ils s’expriment à travers des reproches assez classiques. L’auteur ne nous étonne pas assez, en dépit d’un talent évident, d’une connaissance profonde de l’âme humaine. Le spectacle en lui-même, bien réglé par Rémy Barché, a constamment du nerf. Tous les acteurs sont excellents, les anciens (Christine Brücher, Daniel Delabesse) comme les plus jeunes (Suzanne Aubert, Julien Masson, Blanche Ripoche). C’est du tricot travaillé au petit point. On admire, en espérant plus de tranchant la prochaine fois.

La Truite de Baptiste Amann, mise en scène Rémy Barché, assistanat d’Alix Fournier-Pittaluga, scénographie et costumes de Salma Bordes, lumière de Florent Jacob, son d’Antoine Reibre, avec Suzanne Aubert, Marion Barché, Christine Brücher, Daniel Delabesse, Julien Masson, Thalia Otmanetelba, Samuel Réhault, Blanche Ripoche.

Théâtre Ouvert, tél. : 01 42 55 74 40, jusqu’au 14 avril. (Durée : 2 h 20).

Photo Joseph Banderet.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter...

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