La Ménagerie de verre de Tennesse Williams

Une cage familiale et sudiste

La Ménagerie de verre de Tennesse Williams

A côté de celle du Poche, mise en scène par Eric Cénat (voir la critique de Corinne Denailles) nous arrive d’Orléans et du théâtre de l’Imprévu une autre Ménagerie de verre : la pièce de Tennessee Williams continue à travers les ans sa course sensible, car, au-delà des contextes sociaux et historiques, elle fait vibrer les craintes, les incertitudes, les espoirs, les hésitations, les douleurs de la post-adolescence. Laura n’a pas d’amoureux. Dans la cage confortable que constitue l’appartement familial, elle n’aime que les figurines animales en pâte de verre. Mais sa mère rêve de lui trouver un ami, un compagnon, un éventuel partenaire. Son frère fait venir un ancien camarade de lycée ; il pourrait faire l’affaire ! Au dîner, on découvre que Laura avait été fascinée par le jeune homme quelques années plus tôt. Aussi les laisse-t-on seuls tous les deux, pour un flirt qui pourrait briser les parois de verre où la jeune timide s’est enfermée…
La mise en scène d’Eric Cénat décale vers des temps plus proches cette action située en 1944. Nous sommes plutôt dans les années 1990 et la musique est celle de The Cure et de Sonic Youth. La scène centrale est voilée par des rideaux translucides qui s’effaceront : on avance dans un monde étouffant et compartimenté où la petite-bourgeoise du Sud des Etats-Unis croit se protéger. Autour du plateau central, dans différentes alvéoles, d’autres actions peuvent avoir lieu, réelles ou fantasmées. Pour Cénat, la pièce de Tennessee Williams a sa part de réalisme mais plonge si fort dans l’imaginaire de ses personnages qu’il y a aussi une irréalité à inscrire dans la vie du plateau. Au-delà de l’histoire, ce sont des états d’âme, des souvenirs, des climats d’époque qu’il met en scène. Avec, en plus, une représentation amusée du Sud américain, à travers l’une tes tenues de la mère, qui semble sortie d’Autant en emporte le vent.
Le parti pris crée parfois un excès de symbolisme. Mas, un peu éclatée dans ses débuts, la soirée se resserre et va vers sa densité de huis clos familier, familial et faussement heureux. Dans le rôle de la mère maladroite, Claire Vidoni fait preuve d’une vraie originalité en composant un personnage flottant et dansant, d’une tendre étrangeté. En jeune fille en mal d’épanouissement, Laura Segré sait en dessiner le repli tendre et douloureux, la part d’ombre et de secret, la force d’espoir. Charles Leplomb donne quelque chose d’aigu, d’âpre, d’amer au rôle du frère, exprimant ainsi parfaitement la révolte intérieure de ce jeune homme qui préfère la fiction du cinéma à la réalité de la vite. Enfin, Augstin Passard compose avec justesse un visiteur d’une légèreté citadine, chez qui le trouble ne brouille guère la tranquillité d’esprit. Avec eux, La Ménagerie de verre devient un brûlant souvenir commun, celui de nos vingt ans, quels qu’ils soient.

La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, traduction d’Isabelle Famchon, mise en scène d’Eric Cénat, assistanat de Mathieu Barché, scénographie et costumes de Charlotte Villemet, lumière de Vincent Mongourdin, son de Christophe Séchet, avec Chalrs Leplomb, Augustin Passard, Laura Segré et Claire Vidoni. Paris, théâtre de l’Epée de bois, dThéâtre de l’Epée de bois, tél. : 01 48 08 39 74, jusqu’au 8 février.

Photo DR.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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