La Loi de Tibi de Jean Verdun
Quelque part sur la planète des pauvres
A l’intérieur de l’œuvre de Jean Verdun, Tibi est un personnage essentiel, que l’écrivain a imaginé un jour à l’occasion d’un stage à Hollywood et qu’il a développé sur plusieurs textes. Tibi (qui, en latin, signifie « à toi ») vit, dans cet épisode, parmi les miséreux et exerce la fonction de maître de cérémonie. Il enterre les morts en leur donnant une dernière aura, une ultime dignité, par ses allocutions généreuses et inspirées. Dès que quelqu’un s’éteint dans le bidonville (en quel pays ? On ne sait. Là, où les gens vivent de déchets, de restes, de riens). Tibi est là et le malheur se pare d’un peu de bonheur. Il vit seul mais une jeune femme vient se réfugier chez lui. Il vient d’enterrer le fils de cette jeune femme. Elle est belle. La vie de Tibi va changer ! « L’avenir nous rit, dit-il. Un bel avenir avec le vivre et le rire et le délire et le désir. Que des chromosomes rouges ! »
Le texte de Jean Verdun est fraternel, mais surtout écrit dans un sens rare de la parabole traversée de réalités. Un grand acteur s’en empare : Jean-Michel Martial. Il donne à ce beau rôle une épaisseur impressionnante, faite de calme et d’humanité, faisant vibrer un texte aux longs moments narratifs. Avec lui, l’émotion n’est jamais sollicitée, mais souterraine et d’autant plus puissante. Karine Pédurand incarne le second personnage, la jeune femme blessée, dans une douce fluidité. Le spectacle est très prenant Il nous parle du monde des pauvres, des exclus, des parias d’une manière imaginative, jamais réaliste. Il utilise avec bonheur les moyens du théâtre pour nous donner du monde une image d’autant plus forte qu’elle transfigure à la fois la beauté et l’horreur de notre monde.
La Loi de Tibi de Jean Verdun, mise en scène de Jean Martial, collaboration artistique de Sophie Bouillot, musique d’Eric Vinceno, avec Jean-Michel Martial et Karine Pédurand. Chapelle du Verbe Incarné, tél. : 04 90 14 07 49. (Durée ; 1 h 35).
Photo Laurencine Lot