Opéra National de Paris – Bastille – jusqu’au 17 décembre 2011
La Force du Destin de Giuseppe Verdi
Un Verdi de feu qui laisse froid
- Publié par
- 17 novembre 2011
- Critiques
- Opéra & Classique
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Il y a plus de trente ans que cette Forza del Destino/Force du Destin, monument verdien, n’avait plus été représentée à l’Opéra de Paris. Ceux qui avaient pu assister à la production de John Dexter qui, de 1975 à 1981, resta six ans au répertoire poussent des soupirs. Les Placido Domingo, Marti Talvella, Gabriel Bacquier, Kurt Moll, Piero Cappuccilli ou autre Hanna Schwartz dont ils énumèrent les noms en nostalgie ne font qu’accentuer la pâleur et l’insignifiance de ceux qui aujourd’hui prennent le relais des destinées de ce Verdi de feu qui laisse froid.
La mise en scène de Jean-Claude Auvray, les décors d’Alain Chambon, les lumières de Laurent Castaingt ne sont pas en cause. Leur lisibilité – les nombreux changements de lieux et de temps sont annoncés par des projections dans le style du cinéma muet – ont quelque chose de reposant. Ici pas d’actualisation tortueuse, la transposition au Risorgimento du siècle de Verdi a un sens politique que des tracts siglés VIVA VERDI et lancés dans la salle viennent rappeler aux spectateurs. Auvray est un bon routier qui ne s’embarrasse pas de provocations à message indéchiffrable. Il a le sens de l’espace et celui des images, les toiles peintes aux couleurs de Goya qu’il fait monter, descendre et s’affaler un peu plus que de raison mais qui toujours rendent fidèlement compte de l’action. Quelques constantes donnent un supplément de cachet, comme cette longue table qui du premier au dernier tableau épouse les situations les plus diverses. Mais cette conception illustrée à l’ancienne va, hélas, jusqu’à l’antique manie de faire chanter les interprètes face au public, la main sur le cœur ou presque. Cette façon de poster les personnages à l’avant scène, sans un regard l’un pour l’autre, est tellement dépassée qu’elle en frise le ridicule.
Philippe Jordan souple et virtuose
L’ouverture n’est plus à sa place. Le rideau se lève sur la première scène du premier acte qui devient prologue. La musique attendue lui succède sous forme d’une « sinfonia » ce qui lui sied à merveille. C’est un morceau symphonique à part entière que Dimitri Mitropoulos fut le premier à déplacer au Met de New York, une idée reprise avec bonheur par l’équipe parisienne. D’autant plus que Philippe Jordan à la tête de l’Orchestre de l’Opéra en sublime la magnificence. Souple et virtuose sans jamais céder au spectaculaire, il donne chair à cette musique qui vous pénètre comme l’eau d’un bain chaud. Une ovation accueillit sa performance. Ce fut la seule de la soirée, le seul moment où passa une émotion. Car côté voix, la déception fut unanime.
Déception unanime côté voix
On attendait Marcelo Alvarez, le ténor argentin au timbre d’or. Mais il fut absent. Il a l’habitude de ce type de dérobade (voir webthea du 8 juin 2007 et l’article de Charles Rosenbaum du 13 juillet 2007). Prévu initialement pour 4 des 12 représentations le ténor serbe Zoran Todorovitch dut affronter l’héroïque Don Alvaro dès le soir de la première. Présence timorée, timbre terne, medium saccadé, il n’en a ni la carrure, ni la voix. L’objet de sa passion, la belle Leonora dont le père lui refuse la main, est, pour ainsi dire, exécutée par la soprano lituanienne Violeta Urmana avec un manque de grâce affligeant et des aigus criards qui font mal. Vladimir Stoyanov, en frère vengeur, autre personnage clé, est tout aussi insignifiant. On se console avec la mezzo Nadia Krasteva qui pimente joliment les frasques Preziosilla, la meneuse. La noblesse et la chaleur de la basse coréenne Kwangchul Youn reflète fort bien la foi du Père Guardiano et la truculence rebondie de Nicola Alaimo qui donne à Melitone, le moine déjanté, les couleurs d’un bouffon shakespearien réserve les meilleurs moments de la soirée.
Dans le cadre de la saison Viva l’Opéra, cette Force du Destin sera diffusée le 8 décembre prochain à 19h en direct dans 25 salles de cinéma UGC de France ainsi que dans de nombreuses salles européennes. Marcelo Alvarez ne manquera pas le rendez-vous. Il vient d’ailleurs de préciser qu’il assurera les représentations des 20, 26, 29 novembre, 2, 8 & 11 décembre.
La Force du Destin de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave, orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Philippe Jordan, chef de chœur Patrick Marie Aubert, mise en scène Jean Claude Auvray, décors Alain Chambon, costumes Maria-Chiara Donata, lumières Laurent Castaingt, chorégraphie Terry John Bates. Avec Mario Luperi, Violeta Urmana, Vladimir Stoyanov, Zoran Todorovitch (et Marcelo Alvarez), Nadia Krasteva, Kwangchul Youn, Nicola Alaimo, Nona Javakhidze, Christophe Fel, Rodolphe Briand, François Lis .
Opéra Bastille, les 14, 17, 23, 26, 29 novembre, 5, 8, 15, 17 décembre à 19h, les 20 novembre et 11 décembre à 14h30.
08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 - www.operadeparis.fr
Photos : Andrea Messana