L’Heure espagnole à Nanterre

Ou comment passer une soirée en compagnie de Ravel grâce à des artistes en devenir.

L'Heure espagnole à Nanterre

On a pu assister, le 25 mars dernier, à un spectacle permettant de découvrir de jeunes interprètes qui ne sont plus vraiment des étudiants mais ne sont pas encore tout à fait entrés sur la scène professionnelle : les chanteurs de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris et les musiciens de l’Orchestre-Atelier Ostinato.

Ce spectacle, entièrement consacré à Ravel, nous a d’abord fait entendre Alborada del gracioso, idéale mise en jambes pour OstinatO, une formation qui permet à de jeunes instrumentistes issus des conservatoires d’apprendre leur métier de musicien d’orchestre sous la baguette exigeante et enthousiaste de Jean-Luc Tingaud. Une expérience très instructive, en l’occurrence, dans l’acoustique impitoyable de la Maison de la musique de Nanterre, qui ne laisse rien passer et n’enrobe les sonorités d’aucun halo flatteur ; mais qui, a contrario, met en pleine lumière, sans les altérer, la matière et les couleurs de l’orchestre.

Suivaient un ensemble de pages vocales interprétées par les solistes de l’Atelier lyrique de l’Opéra (institution que dirige Christian Schirm). Les Deux Mélodies hébraïques et les Cinq Mélodies populaires grecques, d’abord, chantées avec sensibilité par la soprano grecque Zoe Nicolaidou mais avec une diction, pour les Mélodies grecques (sur des textes français), très approximative. Dans les trois chansons de Don Quichotte à Dulcinée, on aurait aimé de la part du baryton polonais Michal Partyka un timbre plus flatteur, et là encore une diction plus naturelle, car il s’agit bien ici de mélodies, c’est-à-dire de pages brèves dans lequel les mots doivent être entendus pour eux-mêmes, sans artifice, avec un sens de l’expression qui puisse en exprimer toute la fantaisie.

Avec la délicieuse Heure espagnole, composée sur un texte de Franc Nohain, les interprètes se sont battaient moins avec les consonnes et les voyelles. La Conception de Carol Garcia, pleine d’abattage, donnait la réplique à des chanteurs tout à fait à leur affaire : Vincent Delhaume (Torquemada), Alexandre Duhamel (Ramiro), Damien Pass (Don Inigo Gomez) et surtout le ténor Manuel Nunez Camelino, plein de drôlerie dans le rôle du poète Gonzalve. Le spectacle simple et drôle de Marc Paquien soutenait avec légèreté la comédie de Ravel, cependant que les musiciens d’OstinatO s’appropriaient avec brio l’incessante circulation, d’un pupitre à l’autre, d’une musique insaisissable qui exige autant la grâce que la virtuosité.

Florian Héro

Ravel : Alborada del gracioso, Mélodies, L’Heure espagnole. Membres de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris, Orchestre-Atelier OstinatO, dir. Jean-Luc Tingaud. Mise en scène : Marc Pquien ; scénographie : Gérard Didier ; costumes : Claire Risterucci ; lumières : Dominique Bruguière.

Maison de la musique de Nanterre, 25 mars 2011 (spectacle également donné le 27 mars, repris au Théâtre impérial de Compiègne le 10 avril avec l’Orchestre de Picardie).

Photo : maquette de Gérard Didier (crédit Gérard Didier).

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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