Montreuil, Nouveau Théâtre de Montreuil jusqu’au 27 novembre

J’ai la femme dans le sang d’après Feydeau

Le paysage mental de l’auteur

J'ai la femme dans le sang d'après Feydeau

Il y a sans doute trop de Feydeau à l’affiche ! Partout, le vaudevilliste est appelé à la rescousse. Mais, ici, voici Feydeau adapté ! Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence, et Pauline Sales, co-directrice du Préau de Vire, ont sans gêne abrégé les fameuses « farces conjugales » de l’auteur, les ont intégrées dans un ensemble progressif où ils ont mis aussi un court extrait du Dindon et d’autres textes qu’ils ont extraits d’œuvres ou de lettres ou qu’ils ont écrits eux-mêmes. Cela constitue pour eux à la fois un roman comique de la vie bourgeoise et familiale et un autoportrait de l’auteur. Ainsi nous rappelle-t-on incidemment que Feydeau serait l’enfant adultérin du duc de Morny, ou même de Napoléon III, sa maman fort légère s’étant acoquinée aux plus hauts personnages de l’Etat…
A vrai dire, cette structure n’est pas très visible. Lorsqu’un personnage isolé reste seul dans le décor sur roulettes qui ne cesse de s’éclater, on ne comprend pas nécessairement qu’il s’agit de Feydeau en personne. A l’intérieur de ce paysage mental, l’auteur garde la main avec la force de ses comédies impitoyables qui, même amputées de leur début ou de leur fin, fonctionnent avec une efficacité redoutable. Richard Brunel les a transposées aujourd’hui : les personnages nous ressemblent et l’héroïne de N’ te promène donc pas toute nue semble jouer une publicité décalée pour les sous-vêtements féminins d’aujourd’hui. Même le pot de chambre, objet central de la pièce On purge bébé, ne conserve pas sa forme classique de grande tasse avec anse mais prend l’apparence des pots plus rectangulaires pour enfants d’à présent ! Beaucoup d’intentions appuyées et beaucoup de mouvements du dispositif auraient dû alourdir le spectacle. Hé bien non ! Les craintes qu’on éprouve à la première seconde à voir des transparences un peu coquines et scatologiques se dissipent. Les légers tripatouillages du dialogue (ainsi Clemenceau, auquel Feydeau fait allusion, est remplacé par le président, et c’est à notre président et à Carla Bruni qu’on nous invite à penser) sont plaisants. Les comédiens, Chantal Deruaz, Yves Barbaut, Marc Garanger, Aurélie Edeline notamment, sont à la parade, toujours dans une vérité criante sans être outrée et dans un mouvement qui repousse les réticences que l’on pourrait avoir. Ce concentré de Feydeau est tout à fait saignant.

J’ai la femme dans le sang d’après Feydeau, adaptation de Richard Brunel et Pauline Sales, mise en scène de Richard Brunel, scénographie de Marc Lainé, costumes de Benjamin Moreau, lumières de Dominique Borrini, son de Jean-Damien Ratel, avec Yves Barbaut, Chantal Deruaz, Aurélie Edeline, Vincent Garanger, Félix Kysyl, Anthony Poupard, Pauline Sales. Nouveau Théâtre de Montreuil, tél. : 01 48 70 48 90, jusqu’au27 novembre.

Photo Jean-Louis Fernandez

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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